Le flic n'est plus à la maternelle

21 Jump Street : l'évidence de la bromance

Dossier | Par Brice Lahaye | Le 6 juin 2012 à 13h00

21 Jump Street de Phil Lord et Christopher Miller, version complètement déjantée de la série télévisée du même nom, rompt assez radicalement avec le ton de l'oeuvre originale. On a d'ailleurs plutôt affaire à une bromance tendance Apatow. Voyons pourquoi ce n'est finalement pas si étonnant...

21 Jump Street n'est pas seulement la série qui a vu naître à l'écran Johnny Depp. C'est aussi et surtout une série policière créée en 1987 qui, en seulement 5 saisons, a su marquer l'histoire de la télévision américaine. On aurait d'ailleurs pu s'attendre à une adaptation beaucoup plus tôt. Pourtant, ce n'est que maintenant, plus de vingt ans après la fin de la série, que l'équipe du 21 Jump Street reprend du service. La brigade n'est donc évidemment plus la même, mais l'objectif reste identique. Deux jeunes amis fraîchement sortis de l'école de police, Schmidt (Jonah Hill) et Jenko (Channing Tatum), jeunes adultes au physique encore juvénile, vont devoir faire leurs preuves en intégrant un lycée pour mettre fin à un trafic de stupéfiants.

Standalone

Les adaptations sur grand écran de séries policières sont nombreuses, probablement parce que le format habituel du genre est facilement adaptable. La plupart des séries policières fonctionnent en effet sur la base d'épisodes indépendants (standalones) ne nécessitant pas forcément de voir les précédents ou les suivants. Bien que l'évolution des personnages soit tout de même travaillée au fil des saisons, l'unité bien distincte de chaque épisode, et la prépondérance de l'intrigue policière sur la vie des policiers rend la transposition à un long-métrage plus évidente. Il s'agit finalement simplement de faire, en général avec plus de moyens, un épisode un peu plus long que les autres. 21 Jump Street suit bien cette règle. Chaque épisode voyait les jeunes policiers changer de lycée et donc de problèmes à régler. Pour l'adaptation, Phil Lord et Christopher Miller n'avaient donc plus qu'à trouver un prétexte pour rouvrir les portes de la brigade juvénile.


Liste des règles, extrait de 21 Jump Street

Les autres adaptations de séries policières ont elles aussi bénéficié de ce standalone. Tout comme 21 Jump Street, les séries Miami Vice, Starsky et Hutch, Chapeau melon et bottes de cuir avaient elle aussi l'avantage de changer d'intrigue à chaque nouvel épisode. Une contrainte en moins pour les réalisateurs qui n'avaient finalement plus qu'à reprendre les personnages des séries en les associant à une nouvelle intrigue sans avoir à s'encombrer de grands arcs narratifs développés sur plusieurs saisons.

Changez de ton s'il vous plait !

L'autre avantage du genre concerne la multitude d'intrigues possibles qu'il inspire. Les faits divers, du plus classique au plus sordide, donnent une matière infinie aux scénaristes et réalisateurs prêts à adapter l'une de ces célèbres séries. Le sujet et son traitement narratif étant ultra-codifiés, la principale marge de manoeuvre au moment de l'adaptation concerne donc le ton employé. En transformant en long-métrage la série Miami Vice (qu'il produisait également pour le petit écran), le réalisateur Michael Mann a su garder ce qui faisait le charme initial de la série (ce n'est pas si courant de voir des flics en Ferrari) tout en développant une ambiance particulière pour le film. Par une mise en scène à la fois stylisée et très réaliste, le cinéaste a su transposer les ingrédients majeurs de sa série culte dans un cadre ultra-contemporain. Les scènes de traque et la photographie HD laissent même parfois penser à un documentaire.

Plutôt que d'étouffer le kitsch dans le réalisme, d'autres adaptations s'orientent au contraire vers une outrance comique. C'était par exemple le cas du Starsky et Hutch de Todd Phillips. Les fans de 21 Jump Street devraient à ce titre être assez déroutés tant le ton du film de Phil Lord et Christopher Miller s'éloigne de celui de la série. En effet, la série américaine s'inscrivait dans la lignée des séries policières classiques, une ambiance sombre et des intrigues ordinaires. Le film s'ancre lui très clairement dans le paysage des comédies américaines modernes. L'humour est certes très (très) lourd, mais le pari s'avère finalement vraiment réussi. La patte de Jonah Hill, pilier du clan Apatow (SuperGrave, 40 ans, toujours puceau) dans l'écriture du scénario et son duo avec Channing Tatum n'y étant probablement pas pour rien.

Deux flics ami-ami

Si le mariage entre la série policière et la « comédie Apatow » fonctionne si bien, c'est aussi parce qu'ils ont en commun la passion évidente de la bromance. Les flics fonctionnant toujours en duo, le genre donne un cadre parfait au buddy-movie (exemple récent avec Very Bad Cops). Le rapport d'amitié ambigüe qui lie un policier à son équipier est si profondément enfoui dans les codes du genre qu'il peut parfois sembler cliché. Le duo formé par Schmidt et Jenko dans 21 Jump Street (le beau gosse et le petit gros) est en tous cas au coeur de l'intrigue. Mais les clichés ne s'arrêtent pas là. On a beau nous épargner les scènes de dégustation de donuts, le trafic de stupéfiants qui promet des scènes délirantes ou violentes et les courses poursuites de bolides dans lesquels on aimerait bien voir nous aussi patrouiller nos officiers de police sont quant à eux éminemment présents.


Do it, do it, extrait de Starsky et Hutch

Quoi qu'il en soit, résumer plusieurs saisons sans dénaturer la version télévisée et revenir brièvement sur le passé de policiers qu'on a vu évoluer pendant plusieurs années reste un pari risqué. La solution sera peut-être alors pour les cinéastes qui souhaitent rester fidèles à l'oeuvre originale, à l'instar de Quentin Tarantino avec les Experts, de passer directement du grand au petit écran pour se faire plaisir en dirigeant nos personnages préférés le temps d'un épisode.

Images : © Columbia Pictures, © Universal Pictures

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17 commentaires
  • BriceLahaye
    commentaire modéré Non mais je ne comprends vraiment rien @FilmsdeLover ! De quelle info et quelle intro parles-tu ? ;)
    6 juin 2012 Voir la discussion...
  • FilmsdeLover
    commentaire modéré Mon premier comm' à cet article était guidé par le fait que j'étais persuadé d'avoir lu dans l'intro de ton article que le film était produit par Apatow. Or, en relisant, il se trouve que tu formules cela différemment. Donc soit j'ai bien lu et tu as changé entre-temps, soit j'ai mal lu et dans ce cas, je devrais aller me reposer. :)
    6 juin 2012 Voir la discussion...
  • BriceLahaye
    commentaire modéré Ah ok ! Non, il n'y a pas eu, à ma connaissance, de correction depuis sa publication. Il va être temps d'aller faire une petite sieste ! :D
    6 juin 2012 Voir la discussion...
  • IMtheRookie
    commentaire modéré @FilmsdeLover je confirme.
    6 juin 2012 Voir la discussion...
  • IMtheRookie
    commentaire modéré (pas d'édition depuis la publication, mais le nom d'Apatow est effectivement cité dans l'article)
    6 juin 2012 Voir la discussion...
  • FilmsdeLover
    commentaire modéré Je suis donc très fatigué.
    6 juin 2012 Voir la discussion...
  • Brazilover
    commentaire modéré Je ne trouve pas qu'il n'y ait que des bromances dans les films d'Apatow ou produits par Apatow.
    Tiens dressons la liste des productions Apatow "véritables"
    Anchorman : pas de bromance
    The 40-Year Old Virgin : en partie
    Talladega Nights : je ne crois pas
    Knocked Up : non, sinon la relation Paul Rudd/Seth Rogen
    Superbad : totalement
    Walk Hard : non
    Drillbit Taylor : oui
    Forgetting Sarah Marshall : non
    You don't mess with the Zohan : non
    Step Brothers : oui
    Year One : oui
    Pineapple Express : oui
    Funny People : oui
    Get Him To The Greek : oui
    Bridesmaids : oui
    The Five-Year Engagement : à priori non
    This Is 40 : à priori non
    C'est vrai qu'il y en a pas mal.
    21 Jump Street a sans doute bénéficier de la plume de Jonah Hill, même si je pense que dans le genre, Superbad est indépassable.
    6 juin 2012 Voir la discussion...
  • IMtheRookie
    commentaire modéré @brazilover116 ce qui fait quand même un pourcentage non négligeable. Quelqu'un peut nous faire le calcul ? Peut-être un camembert Google Chart... ?
    6 juin 2012 Voir la discussion...
  • Jud
    commentaire modéré 8 sur 17, sachant qu'on ne compte pas ceux où il y a en partie de la bromance comme Knocked up. ça fait près de la moitié.
    6 juin 2012 Voir la discussion...
  • Brazilover
    commentaire modéré Sur 15 films vus, parce que les deux derniers cités ne sont pas encore sortis, on est à 10 environ dont 8 où la storyline principale est centré sur la bromance soit 53,3 % environ ou 67% donc oui, il est vrai que l'on est dans un systématisme.
    De toute façon chez Apatow,3 filmographies valent vraiment le coup : la sienne, où il se permet des films assez subtils et profonds (en particulier Funny People, magnifique), celle d'Adam McKay, toujours avec Will Ferrell qui est vraiment l'auteur le plus drôle né ces dernières années et celle de Nicholas Stoller, marquée par la collaboration avec Jason Segel, où on a une vraie cohérence dans l'univers. Le reste c'est dispensable.
    6 juin 2012 Voir la discussion...
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