J'irai revoir ma Normandie

Angèle et Tony d'Alix Delaporte, de la rareté de la pêche au cinéma

Dossier | Par David Honnorat, Hugues Derolez | Le 31 janvier 2011 à 13h04
Tags : rétro, mer

« Je ne suis pas de celles qui meurent de chagrin,
Je n'ai pas la vertu des femmes de marins, »

Dans Angèle et Tony, non plus, Clotilde Hesme n'a pas la vertu des femmes de marins. À la recherche d'une nouvelle vie, elle débarque pourtant dans celle de Tony, un pêcheur solitaire.

Mais le rapport avec la chanson de Barbara s'arrête là. Angèle n'a rien d'une jeune femme éplorée priant pour le retour d'un amour perdu. Dans l'histoire, ce qui est perdu c'est elle. Tony, quoiqu'un peu méfiant et étonné de l'intérêt que lui porte cette fille trop belle, va donc l'aider à se retrouver.

Ce premier film d'Alix Delaporte met en scène une forme originale d'amour impossible sur fond de drame social. Une belle réussite grâce aussi au cadre du film, un petit port de pêche, donnant lieu à certains plans magnifiques et quelques situations finalement assez rare au cinéma.

C'est l'occasion de fouiller un peu notre mémoire cinéphile à la recherche de marins pêcheurs qui ont marqué l'histoire du cinéma.

Les pêcheurs américains, vieux loups de mer téméraires
Dans le cinéma américain, le pêcheur aime la communion avec la nature. Embarqué sur son frêle esquif, il aime la défier et chaque jour se lancer de nouveaux défis. Mais le pêcheur aime également partager sa passion, ou son travail, avec ceux qu'il respecte, comme George Clooney dans En pleine tempête. Les parties de pêche sont vecteurs de dialogue et d'écoute, d'étreintes viriles, de grand moment d'intimité. Mais pour faire partie de la famille des pêcheurs il faut partager les mêmes aspirations, la même façon de vivre.

Que ce soit motivé par la vengeance, comme dans La vie aquatique, ou par la compétition, comme par exemple dans Moby Dick, le pêcheur préférera toujours naviguer seul que mal accompagné. La pêche, c'est un sacerdoce, mais c'est aussi parfois un moyen de subvenir à ses besoins. Tout le monde pourra s'y essayer avec plus ou moins de succès. Et plus un homme sera valeureux mieux il pêchera ; c'est bien connu.


Partie de pêche extrait de Lifeboat

Aussi alcoolique que courageux (hum), le pêcheur américain sait aussi avoir le mot pour rire, mais toujours, toujours, il garde son sang froid :


We're gonna need a bigger boat extrait de Les Dents de la Mer

Citons pour terminer le facétieux et décontracté Sport Favori de l'homme, d'Howard Hawks, où un vendeur d'articles de pêche prodigue de judicieux conseils aux participants d'un tournoi de pêche local. Compétition perturbée par tout un tas de jolies filles en fleurs qui vont semer le trouble dans le coeur de notre vendeur et pécheur émérite. Car la pêche, c'est bien connu, c'est toujours mieux à deux.

L'amour de la mer
En France l'action de ces films qui sentent bon le poisson frais est largement située en Bretagne, comme dans Finis Terrae de Jean Epstein, rêve à demi-éveillé où se côtoie violence et matelots. Le bleu aquatique et profond, le flux apaisant des vagues, cela inspire aussi les romances de cinéma.

Dans Maine Océan, de Jacques Rozier, c'est l'île d'Yeu qui sera le théâtre des affaires amoureuses de Bernard Menez aux prises avec des marins d'abord pas très accueillants puis plutôt chaleureux.

On pense aussi à Sète qu'on voit dans La Graine et le mulet et dans La Pointe Courte d'Agnès Varda, qui inspira la Nouvelle Vague. Le couple incarné par Philippe Noiret et Silvia Monfort s'y délite sur fond d'écume et d'étals de poiscaille. Alors ; la mer donne-t-elle envie d'aimer ou pousse-t-elle plutôt à s'entre-déchirer ?


A la pêche extrait de La Pointe courte

Sans doute parce que filmer en mer est en soit une performance, les scènes de pêche en eau douce sont finalement plus courants (sans jeu de mot). On pense notamment à Et au milieu coule une rivière, Une partie de campagne ou encore Short Cuts...

Les ports de pêche sont donc plutôt rares au cinéma et, même si ce n'est pas le sujet principal d'Angèle et Tony, ce cadre singulier confère au film le soupçon de dépaysement nécessaire pour faire de ce beau premier film une vraie réussite.

Voir la bande-annonce d'Angèle et Tony

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