Arnaques, crimes et musique

La musique des films de Guy Ritchie

Music Box | Par Julien Di Giacomo | Le 3 novembre 2011 à 15h35

Chaque semaine, découvrez notre sélection musicale disponible en écoute gratuite sur Spotify. Vodkaster vous en met plein les yeux, mais on est aussi là pour soigner vos oreilles. Enjoy !

Guy Ritchie est un type assez divisant. Il est celui qui fait 3 fois le même film (Arnaques, crimes et botanique, Snatch, RockNRolla), qui tourne avec Madonna juste parce qu'elle est sa femme, qui se compromet honteusement en faisant du cinéma de blockbuster grand public, et est détesté pour toutes ces raisons, ainsi que pour ce qu'il est facile de qualifier de trahison historique et d'esthétisme putassier dans son traitement de l'adaptation de Sherlock Holmes.

Ceci étant dit, il est aussi l'homme qui a découvert Jason Statham, et, n'en déplaise aux râleurs, il est l'un des grands enfants prodiges de la ville de Londres, à laquelle il finit toujours par revenir et dont il n'a de cesse de magnifier les ruelles et les petites piaules crades. Même son film de casino a été tourné à Londres (et sur l'Isle de Mann), et cela le rendait finalement bien plus légitime qu'on veut bien le dire pour botoxer ce bon vieux Sherlock. Mais là n'est pas la question.

Un point qui mettra tout le monde d'accord, néanmoins, c'est le bon goût de notre homme. Sur ses deux premiers films, l'influence de Tarantino sur l'englishman ne se manifestait pas uniquement dans la circonvolution de ses lignes narratives, mais aussi dans l'éclectisme délicieusement rétro de ses BO, mêlant assez allègrement soul, gros rock qui tache, ska ou reggae. Hélas, à part un retour aux sources du meilleur goût dans RockNRolla en 2008, le réalisateur semble de plus en plus enclin à faire appel à des compositeurs pour lui forger des thèmes originaux sur-mesure. L'amour de la musique populaire se perd?

Raison de plus pour nous replonger dans les belles archives de l'homme qui s'appelle Mec avec une playlist Spotify dédiée à ses BO. Enjoy !

Dans Arnaques, crimes et botanique

01. The Stooges - I Wanna Be Your Dog
I Wanna Be Your Dog, c'est vraiment le Londres de Guy Ritchie dans toute sa splendeur : bordellique, brumeux, bruyant, très crade. C'est le riff obsédant de Ron Asheton qui semble ne jamais s'accorder le moindre répit, tapissant la totalité de l'espace sonore de vibrations électriques, et c'est la voix immédiatement reconnaissable d'Iggy Pop, entre lascivité et agressivité latente, qui parle de sexe sale et de soumission. Le morceau intervient assez tôt dans le film, après qu'un des protagonistes s'est fait plumer et se retrouve criblé de dettes dans une partie de poker fatidique. I Wanna Be Your Dog est la bande-son de sa chute vers les tréfonds d'une ville qui ne lui fera pas de cadeaux.


I wanna be your dog extrait de Arnaques, crimes et botanique

02. Stretch - Why Did You Do It
Arnaques, crimes et botanique n'est pas qu'un film de petits escrocs qui puent la bière, même s'il s'agit globalement de son thème principal. Par moment, Ritchie s'offre quelques bouffées d'air pur en filmant le beau teint de chlorophylle de la jungle intérieure entretenue par une bande de dealers en herbe. On découvre alors un autre Londres, celui des petits paradis intérieurs, de la verdure qui fait bien aux poumons comme au moral, et alors, clairement, les Stooges ne sont plus de mise. A l'écran comme sur la BO, il s'agit de capturer les multiples facettes d'une ville qui a beaucoup à offrir. Alors la petite rythmique doucement funky de Why Did You Do It et la voix légèrement éraillée (dans le bon sens) du chanteur de Stretch permettent d'alléger l'ambiance, à l'image du film dans son ensemble, qui manie à merveille son humour noir.

Dans Snatch

03. The Specials - Ghost Town
Snatch est tout de même un grand pas en avant dans la carrière de Guy Ritchie. Plus grand public et plus accessible, il confirme Jason Statham et Vinnie Jones comme des nouveaux durs à cuivre dont la carrière sera à suivre, et offre à Brad Pitt un de ses rôles les plus cool en boxeur manouche au phrasé incompréhensible. Malgré quelques moments de tension et de très jolies bastons sur le ring, l'ambiance y est plus détendue, plus relax. Les menaces de mort sont toujours là, mais tout semble comme dilué dans le décalage et la distance imposés par la réalisation de Ritchie. Les vibes imposées par un morceau comme Ghost Town, ses choeurs de "lalalas" et sa rythmique reggae décomplexée ne peuvent que nous plonger dans un second degré derrière lequel rien ne nous apparaît réellement dangereux, juste divertissant.

04. The Stranglers - Golden Brown
L'usage de Golden Brown est un autre bon exemple de la savante tambouille à l'origine du ton si particulier de Snatch. Le morceau intervient dans la deuxième partie d'une scène assez iconique du film (ci-dessous), dans laquelle on voit Mickey (Brad Pitt) rétamer Glorieux Georges (Adam Fogerty) d'un seul coup de poing, mettant Tommy (Stephen Graham) dans une situation délicate, puisque non seulement il vient de perdre une caravane, mais il se retrouve également privé de son boxeur, censé disputer un combat le lendemain. Et si Georges se révèle mort, il sera enterré avec lui. La situation est évidemment dramatique, mais Ritchie en supprime complètement le son, et la ralentit alors que l'action s'accélère. On voit des gitans s'engueuler au ralenti et en muet tandis que la voix toujours égale de Jason Statham résume les faits sur fond de Golden Brown, qu'on imaginerait plus facilement en BO d'un road movie de vacances. Et si tout ça paraît improbable et incohérent, il suffit de regarder Snatch pour se rendre compte que ça marche à merveille.


Premier combat extrait de Snatch

05. Maceo and the Macks - Cross the Tracks (we better go back)
Ca peut paraître inattendu, mais Cross the Tracks accompagne un braquage de bookmaker. Mais, aussi armés soient-ils, les deux malfrats auraient dû se méfier : quand on se lance dans une scène d'action avec du funk dans les oreilles, c'est forcément que quelque chose va mal se passer et que la scène va se conclure dans l'hilarité générale (au moins pour le spectateur). On peut toujours se consoler en se disant qu'il y a pire que le bon son de Maceo Parker pour foirer son coup, cependant.

Dans Revolver

06. Ennio Morricone - Muccio Selvaggio (2Raumwohnung remix)
Revolver est un film assez atypique dans la carrière de Ritchie. Drapé des atours d'un film de casino et de ses premiers films de petits malfrats, il n'est pourtant ni l'un ni l'autre, et, si on y retrouve Jason Statham, son rôle est finalement bien différent de ceux qu'il a joué jusque-là sous la direction du réalisateur. Revolver est une oeuvre dense, fournie, qui demande plusieurs visions et quelques rudes heures de réflexion pour être réellement comprise. Preuve s'il en fallait que comparer le film à ses anciennes réalisations de gangsters serait une erreur, il ne se passe pas à Londres, mais dans un lieu sans nom, "une destination imaginaire qui est censée être un point de rencontre entre Est et Ouest, quelque part au milieu de l'Océan Atlantique", dixit Ritchie. Cette volonté de mixité et d'audace semblent cristallisées dans cet étrange remix du Muccio Selvaggio d'Ennio Morricone, dont on trouvait l'original sur la BO de Mon nom est personne.

Dans RockNRolla

07. Wanda Jackson - Funnel of Love
RockNRolla est à l'heure actuelle la dernière BO-compile de Guy Ritchie, et elle donne envie d'en savoir plus sur la discographie du bonhomme, qui, s'il se laisse aller à quelques facilités contemporaines (les Subways, les Hives, Black Strobe), se paye aussi le luxe d'exhumer d'anciens hits presque quinquagénaires sur lesquels Quentin Tarantino lui-même, le sacro-saint maître des BO, n'aurait pas craché. Prenez Wanda Jackson, la grande dame du rockabilly : comment résister à sa guitare country et à sa belle voix de jolie fumeuse du sud des Etats-Unis ? Peut-être que le morceau ne colle pas à l'ambiance des bas-fonds londoniens, mais toutes les excuses sont bonnes pour caler ce genre de morceau dans une BO, non ?

08. The Scientists - We Had Love
Avec We Had Love, on est bien sûr dans quelque chose de plus évident, qui reflète de manière plus immédiate l'atmosphère des films de gangsters de Ritchie. Le son des Scientists peut rappeler par certains aspects celui de Nick Cave & The Bad Seeds, mais aussi Crime & The City Solution, autre groupe post-punk qu'on retrouve notamment dans/sur une scène des Ailes du Désir, de Wim Wenders. Le côté sombre et nerveux et les sonorités métalliques du post-punk sont annonciatrices de l'indus, et donnent évidemment au morceau une certaine légitimité pour se retrouver sur la bande-son d'un film à la gloire de Londres? Il ne fait en tout cas pas honte au titre du film.

09. The Beat - Mirror in the Bathroom
En matière de musique, il existe deux Beats : un Anglais et un Américain. Le préféré de Guy Ritchie, c'est bien entendu le Beat qui prend ses racines dans sa terre natale, et c'est donc celui-ci qui figure sur la BO de RockNRolla, avec un joli hit de ska qui offrit quelques semaines de célébrité au groupe. Après la country et le rock sombre, c'est donc une nouvelle couleur que le réalisateur ajoute à sa toile d'un Londres sans cesse plein de surprises, dans lequel on se retrouve à faire la fête toujours au moment où l'on s'y attend le moins, et où les emmerdes sont systématiquement au rendez-vous dès qu'on cherche à faire la fête.

Dans Sherlock Holmes

10. The Dubliners - Rocky Road To Dublin
Sherlock Holmes représente un tournant énorme dans la carrière de Guy Ritchie : il tourne avec des stars qu'il n'aurait jamais pu se permettre d'embaucher auparavant, son budget est multiplié de 5 à 10 fois par rapport à ses anciens films, il cesse de s'intéresser aux gangsters pour passer de l'autre côté de la loi et tourne le dos à notre époque contemporaine pour se lancer dans un récit historique fantasmé. Une seule constante représentative de son cinéma subsiste, encore et toujours : sa ville fétiche. Alors qu'il fait appel à Hans Zimmer pour lui composer une BO inédite, on trouve tout de même un espiègle petit morceau des Dubliners glissé dans une scène de boxe tellement cool qu'elle enterrera définitivement chez les jeunes générations l'image d'un Holmes replet et pantouflard. Les Dubliners étant eux-mêmes assez vieux et fervents adeptes d'un traditionalisme musical séculaire, ils n'apparaissent pas vraiment en décalage avec cette fin du XIXe siècle où se déroule le film.

Pour pouvoir écouter cette playlist, c'est très simple : créez un compte Spotify et téléchargez l'application sur https://www.spotify.com/fr/get-spotify/go/open. Spotify vous permet d'accéder à plus de 8 millions de titres instantanément et légalement. Plus d'infos sur spotify.com

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1 commentaire
  • fullyhd
    commentaire modéré J'ajouterai deux titres mémorables de RocknRolla :
    I'm a Man - Black Strobe
    Bankrobber - The Clash
    Et deux titres, déjà cités dans un article de Vodkaster, de Snacth :
    Have love Will Travel - The Sonics
    Angel - Massive Attack
    3 novembre 2011 Voir la discussion...
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