One film to rule them all

5 raisons de se passionner pour Le Hobbit même si on n'est pas fan d'Heroic Fantasy

Dossier | Par David Honnorat | Le 14 décembre 2012 à 19h19

A la sortie de la projection de presse du Hobbit, nombre de mes collègues journalistes cinéma faisaient la fine bouche : « Bon, de toute façon, l'Heroic Fantasy c'est pas forcément mon truc... ». Et n'en déplaise à mon coeur d'enfant, je fais moi-même partie des sceptiques. S'il restera à débattre de la valeur esthétique ou dramatique du nouveau film de Peter Jackson (les micro-critiques sont faites pour ça), il est pourtant indéniable que la sortie de ce film monumental est un évènement incontournable et, à vrai dire, particulièrement passionnant.

Alors parlons-en...

Comment se motiver pour jouer l'Euro quand on a déjà gagné la Coupe du Monde? Cette question, vous pouvez la poser à Zinédine Zidane, Andrés Iniesta ou encore... Peter Jackson !

Dix ans après la fin de la trilogie du Seigneur des Anneaux et le succès planétaire qu'on connait, le fantasque réalisateur néo-zélandais nous invite pour une nouvelle quête en Terre du milieu. D'aucuns diront qu'il s'agit de la petite aventure avant la grande. Jackson a en effet adapté son Tolkien à l'envers en se penchant sur Le Hobbit, un livre pour enfant (300 pages), après l'imposant roman en trois tomes (1500 pages). Mais ce Voyage Inattendu n'a rien d'une promenade de santé. En sortant de la séance, on a l'impression (renforcée par la sensation d'immersion offerte par le relief) d'avoir participé à l'épuisante randonnée, qu'on sait d'ailleurs loin d'être terminée. L'histoire se déroule ainsi 60 ans avant le périple de Frodon et c'est cette fois son oncle Bilbon qui est de la partie. Après une exposition sans doute un peu trop longue (lire à ce sujet l'hilarant papier du média satyrique The Onion sur une hypothétique scène de 53 minutes montrant Bilbon en train de préparer ses bagages), Le Hobbit finit par nous embarquer dans de grandes séquences d'action assez épiques. Les spectateurs se divisent alors en deux catégories : ceux qui sont sensibles aux épopées denses et magiques d'Heroic Fantasy et les autres.

Pour autant, si vous pensez appartenir à la seconde catégorie, vous auriez tort de ne pas vous intéresser un peu à cette incroyable aventure cinématographique. Voilà pourquoi :

L'histoire du tournage est une aventure en soi

Un an et demi de tournage, un budget estimé à 500 millions de dollars pour les trois films, une bataille juridique sans fin autour des droits d'adaptation et des menaces de grève du syndicat des acteurs néo-zélandais, Le Hobbit revient de loin.

Et tout ça ne s'est pas fait sans suspense. D'abord le projet qui devait initialement être porté par Guillermo del Toro s'est retrouvé un temps sans réalisateur avant que Peter Jackson se décide à reprendre les choses en mains. Une même incertitude a ensuite plané sur l'identité de l'interprète principal. L'acteur Martin Freeman, choisi par Jackson pour le rôle de Bilbon, a en effet failli être contraint de décliner l'offre. Bloqué à Londres pour la série Sherlock dans laquelle il joue le Dr Watson, il pensait ne plus pouvoir tenir le rôle dont il rêvait jusqu'à ce que Jackson décide de réorganiser le plan de tournage pour s'assurer la participation de l'acteur.

En fait l'expérience du film elle-même est une aventure. Il faut imaginer les dizaines de membres de l'équipe qui font le choix de partir plus d'un an à l'autre bout du monde pour reconstituer ce qui est sans doute l'univers de fiction le plus riche et complexe qui soit. Imaginez que tous ces gaillards (oui, le cast n'est pas très féminin) venus des 4 coins du Commonwealth ont dû en plus s'entrainer préalablement à l'équitation et au maniement des armes et vous pourrez conclure sans mal que ces gens là sont fous.

Pour autant, un coup d'oeil au journal vidéo publié au cours du tournage donne une idée de l'ambiance de franche camaraderie qui les a animés :

On peut dire tout ce qu'on veut sur Le Seigneur des anneaux, ça donne quand même les making-of les plus cools de la Terre.

Du cinéma pour demain

Mais Le Hobbit n'est pas qu'une gigantesque colonie de vacances aux antipodes. Il y a derrière ce nouveau projet d'adaptation un enjeu essentiel : l'avenir du cinéma.Interrogé sur le sujet lors de la conférence de presse à Londres, Peter Jackson nous a apporté un éclairage intéressant sur le sujet :

Si le relief a déjà un effet intéressant sur l'immersion du spectateur (et je ne vais pas le contredire sur ce point), Jackson a conscience que la technologie peut encore faire des progrès, en particulier concernant le niveau de luminosité des projections. Avec Le Hobbit, il réalise ainsi un film pour l'avenir. En tirant parti du top de la technologie de tournage, il a produit une oeuvre qui ne peut pas encore livrer son plein potentiel, mais qui le pourra certainement bientôt.

Le choix de tourner en 48 images par seconde relève de la même logique. En mettant ainsi les moyens, Jackson a souhaité garantir une belle postérité cinématographique à l'oeuvre de Tolkien. La vision du film oblige toutefois à émettre un petit bémol : si la majorité des effets visuels sont sidérants (en particulier les gros plans sur le visage de Gollum), il n'est pas certain que toutes les créatures numériques résisteront bien à l'épreuve du temps (les orcs, les loups et l'attelage de lapins de Radagast font déjà un peu tache).

Quoi qu'il en soit, Le Hobbit reste un formidable laboratoire pour le cinéma mondial. Un peu comme quand les missions de la NASA finissent par améliorer le quotidien à coups de révolutions techniques, les innovations technologiques de la trilogie Hobbit seront probablement reprises par bon nombre des plus belles productions à venir.

La fin des barrières de l'imaginaire

Peter Jackson n'hésite pas à le claironner un peu partout : «There's really no barrier anymore.». Pour ceux qui auraient du mal avec l'accent néo-zélandais, l'ami Peter explique qu'il n'y a plus de barrière. Plus de barrière pour l'imagination quand il s'agit de porter des images à l'écran, explique-t-il à la fin de cet extrait sonore :

Ces limites qui ont longtemps rendu Le Seigneur des anneaux inadaptable, malgré quelques tentatives pas toujours heureuses, n'existent plus et c'est une excellente nouvelle pour le cinéma. L'imagination et les limites du cinéma sont d'ailleurs au coeur d'un autre film qui restera comme la claque technique de 2012 : L'Odyssée de Pi. Le film d'Ang Lee qui sort la semaine prochaine doit énormément (comme pas mal d'autres) aux avancées des films de Peter Jackson même si, non, le tigre n'est pas joué par Andy Serkis.

Une passion communicative

Peter Jackson le dit depuis le début : il adapte Tolkien en tant que fan, pour les fans. Son dévouement à la cause est total et, à l'écouter parler de son travail comme d'un rêve d'enfant, difficile de ne pas tomber sous le charme.

Le cinéaste, qui a la réputation de très peu dormir (ce serait d'ailleurs l'une des explications de son incroyable perte de poids pendant le tournage de King Kong), l'explique comme une évidence : quand on a la chance de réaliser ses rêves tous les jours, dormir c'est pour plus tard...

Il y a par ailleurs dans la joie des fans déguisés aux avant-premières, la fierté du peuple néo-zélandais ou le sourire des enfants émerveillés, un je-ne-sais-quoi auquel même les plus haters d'entre nous ont du mal à resister.

Le retour du plus cool des héros de cinéma

Le Hobbit est enfin marqué par le retour du plus cool des héros de cinéma. Ce mec a 6000 ans et une barbe d'un mètre, mais il fume la pipe avec classe : on l'appelle Gandalf. Gandalf le Gris soyons précis. Car comme l'explique avec humour son interprète Sir Ian McKellen, ce Gandalf rustique est un magicien éminement plus sympathique que la version Gandalf le Blanc qui revient dans Les Deux Tours (à ce niveau là si vous venez de vous faire spoiler c'est que de toute façon vous vous en foutez).

Alors que la saison des récompenses arrive à grands pas, on ne peut d'ailleurs que regretter que le brillant Ian McKellen n'ait jamais été récompensé aux Oscars. Nommé seulement pour La Communauté de l'Anneau, l'acteur livre pourtant à chaque fois une prestation exceptionnelle. En fait Ian McKellen EST Gandalf (bon, il EST aussi Magneto comme le rappelle ce célèbre fake, mais moins) et mériterait bien de passer un de ces jours devant un quelconque clampin jouant de sa ressemblance dans un énième biopic nécrophile.

 

Pour toutes ces raisons, Le Hobbit reste même pour moi (plutôt réfractaire à l'Heroic Fantasy) un évènement cinématographique considérable. J'en ajouterais une dernière, à écouter : la musique d'Howard Shore, toujours aussi magnifique.

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4 commentaires
  • Brazilover
    commentaire modéré L'Héroïc Fantasy est vraiment passionnante lorsqu'elle a l'ampleur du Seigneur des Anneaux, mais le remix du genre, proche de la science fiction dans sa vision du monde, pour obtenir des films pour enfants (Narnia, Eragon, ce genre de daube) d'un côté, et quelque chose de trop adulte de l'autre (la série plutôt réussie Game of Thrones, malgré une surenchère inutile dans la provoc') a enterré mon intérêt. J'irais plus voir The Hobbit pour Peter Jackson et Martin Freeman que juste pour retourner en Terre Du Milieu. Et oui c'est un évènement. Bel Article.
    15 décembre 2012 Voir la discussion...
  • stillMargotte
    commentaire modéré Rien qu'un article comme ça ça fait plaisir ! Merci @IMtheRookie
    15 décembre 2012 Voir la discussion...
  • musashi1970
    commentaire modéré Bel article et moi qui vient de voir The Hobbit et qui craignait d'être déçu alors que j'avais été passionné par le seigneur des Anneaux, est heureux de constater que Peter Jackson n'a rien perdu de son talent de conteur même si le film est plus touffu et parfois brouillon que la trilogie précédente, il est vrai aussi que le matériau d’origine était moins bon que le seigneur des Anneaux.
    Cette nouvelle trilogie s'annonce aussi captivante et tumultueuse que la précédente.
    Peter jackson serait-il le seul à comprendre l'univers de Tolkien ?
    11 mars 2013 Voir la discussion...
  • Nikmout
    commentaire modéré @
    IMtheRookie Je te remercie pour ce très bon article. Chapeau.
    29 juin 2013 Voir la discussion...
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