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Berlinale 2012 : L'autre visage des stars

Festival / Récompenses | Par Chris Beney, Hendy Bicaise | Le 15 février 2012 à 17h40

Nous retrouvons aujourd'hui nos chers Chris et Hendy face à un véritable défilé de stars, toutes plus capricieuses les unes que les autres, violentes, enivrées, voire carrément menaçantes. Dangereux séjour qui, espérons-le, ne se terminera pas dans un bain de sang de critiques.

Certains journalistes couvrent les plus grands festivals mondiaux dans le seul but de voir des films. D'autres, plus sages, tempèrent cette activité périlleuse par des dîners et des soirées arrosées. Reste une troisième motivation, encore moins glorieuse : satisfaire la groupie qui se tapie au fond de nous et ne demande qu'à retrouver sa liberté. La Berlinale offre en effet les plus grandes chances de s'approcher de ses stars préférées. Aujourd'hui, elles s'appellent Brad Pitt ou Meryl Streep mais, pour nous, la nervosité est la même que lorsqu'il s'agissait de faire dédicacer son magazine OK Podium par Ophélie Winter ou Werner Schreyer. Pourtant, si les vedettes berlinoises sont à leur avantage lorsqu'elles foulent le tapis rouge, dès qu'elles quittent les spotlights, rien ne va plus... Quels sont donc les candidats au Prix « Britney Lohan » de la star la moins distinguée de l'année ?

Et les nommés sont...

Xavier Beauvois, dans Seul contre tous
Mike Leigh n'avait même pas annoncé l'ouverture de la Berlinale que certains se faisaient déjà remarquer... Tout commence lorsque Boualem Sansal, l'un des membres de son jury, jette un froid sur une cérémonie d'ouverture jusqu'alors très décontractée. Fini le stand-up de la « MC » Anke Engelke, fini son numéro de drague presque concluant auprès de Jake Gyllenhaal, l'écrivain algérien a un message à faire passer : il attire l'attention sur le Printemps arabe, évoque le rôle que doit tenir le cinéma en marge des révolutions et en vient à s'insurger contre les tortures perpétrées par le régime syrien. Les applaudissements sont visiblement trop mollassons au goût de l'acteur et réalisateur Xavier Beauvois. Alors, il se lève et se met à taper des mains comme Fabrice Luchini après trois Vodka-Redbull à un concert de James Brown. Le réalisateur, lui, est sur le qui-vive, son heure de gloire est peut-être arrivée. Il fait panoter sa caméra, zoome et capte Beauvois plein cadre. Le réalisateur de Des hommes et des dieux est debout, le seul debout, au milieu d'un océan de smokings ratatinés dans leurs fauteuils. « Bravo ! Il a raison ! Je t'aime ! », hurle-t-il, peu ou prou. Son intervention est tout à fait louable mais quelque peu déplacée. Elle ne lui vaut toutefois pas d'être pris à partie par la foule. En compétition cette année avec Les Adieux à la reine de Benoît Jacquot dans lequel il incarne Louis XVI, Xavier Beauvois s'en sort donc sensiblement mieux que son personnage. Et perd ainsi toute chance de remporter le Prix « Britney Lohan ».

Bruno Ganz, dans Sur les quais
Nous vous en parlions hier lorsque nous tentions encore d'éviter à tout prix le « Point Godwin IRL » : dès notre premier soir à Berlin, nous nous sommes retrouvés nez-à-nez avec Bruno Ganz, l'acteur des Ailes du désir. Cette rencontre tardive à Potsdamer Platz avec celui qui interprétait plus récemment Adolf Hitler dans La Chute nous a fait froid dans le dos. Pourtant, l'homme était de bonne humeur, prêt à engager la conversation avec deux jeunes femmes l'ayant reconnu, sautillant tel son alter ego du bunker dans les images colorisées que France 3 nous ressert chaque hiver. Trop discret pour prétendre remporter la récompense suprême, Ganz avait pourtant mis toutes les chances de son côté avec son bonnet trop serré et son imperméable caca d'oie glissant sur le sol.

Une fois enfermés dans le wagon à ses côtés, une association d'idées d'un autre temps qui ne nous honore pas nous empêche encore d'approcher l'interprète du Führer. « Ding Dong ! », voilà notre arrêt. Oui, les métros à Berlin font « Ding Dong » mais l'information à retenir est surtout que nous venons de laisser s'échapper notre première belle rencontre de festival. Comment justifier notre torpeur ? L'un aurait été vexé que Bruno Ganz porte les exactes mêmes baskets « Onitzuka Tiger » vertes et noires que lui. Quand l'autre aurait eu peur que serrer la main de l'acteur qui a joué trois fois avec Wim Wenders ne le fasse basculer de l'autre côté de l'écran, transformé en danseur mort-vivant de Pina, obligé de se trémousser pour l'éternité dans les rames du métro allemand. Brrrrr... Mais rien n'y fait, nous sommes inexcusables. Les vrais fans de cinéma, ceux qui dorment dans des sacs de couchage à même le sol d'un centre commercial afin d'acheter leurs places pour les films de la compétition, eux, ne nous le pardonneront jamais. Et le pire, c'est qu'ils existent.

MDLR : Menace De La Rédaction

Saul Williams et Noémie Lvovsky, dans Le Goût des autres
Plus glamour et rassurant que le métro de nuit, la salle de conférence de presse du Berlinale Palast est un endroit confortable pour observer acteurs et réalisateurs. De retour du traditionnel « Photo Call », tous sont élégants lorsqu'ils pénètrent dans l'enceinte. Ce sont dans les menus détails que certains parviennent à se distinguer de leurs camarades. Venu présenter Aujourd'hui d'Alain Gomis dont il tient le rôle principal, le poète et chanteur Saul Williams s'assied derrière son micro non pas avec une bouteille d'eau en plastique à la main comme ses voisins, mais avec un verre de vin blanc. Classe. A peine assis, Saul Williams effectue ensuite une superbe variante de l'alternance désormais culte « clash / respect » : il tient son verre d'une main et, avec l'autre, présente son majeur aux journalistes. Saul Williams joint bientôt la parole au geste en assénant quelques « Fuck off ! » aux photographes. Bien entendu, c'était pour le LOL, alors tout me monde s'esclaffe. Funky Saul !

Le lendemain, Noémie Lvovksy vient soutenir A moi seule de Frédéric Videau. N'ayant pas fréquenté la scène new-yorkaise underground, l'actrice et réalisatrice française ne s'attable pas avec un verre de Château Marmont mais avec une grosse tasse de thé fumant. Moins classe. Elle pourra se rassurer en se rendant à l'évidence : elle a plus de flair que son homologue américain pour choisir ses projets. Le franco-sénégalais Aujourd'hui rappelle le pire du cinéma indépendant américain vu à Sundance et Deauville. Comme dans American Son ou Return, déjà tombés aux oubliettes et c'est tant mieux, l'auteur s'imagine que narrer le retour ou les dernières heures d'un personnage parmi les siens est une promesse de cinéma suffisante. Alors il l'entoure de figures secondaires réduites à l'état de vulgaires checkpoints, enchaîne les accolades et les mots doux, ajoute quelques notes mélancoliques, mais il ne raconte rien, rien du tout. A moi seule, habile montage en parallèle entre la séquestration d'une adolescente et sa réapparition inattendue, convainc nettement plus. Menée à la mi-temps, Noémie égalise donc in extremis. Saul, parachuté sur le tournage d'Aujourd'hui parce qu'un ami du réalisateur était tombé sur lui dans la rue, peut enrager... et continuer à boire pour oublier. Les deux se sont neutralisés et le Prix « Britney Lohan » leur échappe.

Et le Prix revient à...

L'ensemble des journalistes, dans Vanity Fair


Une nuit Wong Kar-wai au Champo ? extrait de La Vie au ranch

Si nous pouvons épingler le comportement de certaines stars, force est de reconnaître que les journalistes sont encore pires. Capricieux, incontrôlables, les accrédités du festival assurent aussi le spectacle. Nous vous parlions hier, et il y a quelques paragraphes encore, du fameux « Point Godwin », sachez que les critiques de cinéma, eux, ont inventé le « Point Godard ». Donnez-leur une salle comble pour auditeurs, entre vingt secondes et vingt minutes avant que les lumières ne s'éteignent, et une allusion au plus français des cinéastes suisses s'invitera immanquablement dans leur discussion. Et puis il y a ceux qui vous bousculent, ceux qui volent votre fauteuil et qui parlent pendant les films, il y a ceux qui empêchent leurs homologues d'écrire en s'époumonant au téléphone et ceux qui rient de bon coeur devant Captive parce qu'ils trouvent qu'Isabelle Huppert parle mal anglais, etc. Et nous, dans tout cela ? Avouons-le, nous ne valons guère mieux. En ce moment-même, nous rédigeons à quatre mains les dernières phrases de cet article... accroupis sur la tapis rouge. La sécurité nous jette des regards torves mais non, nous ne bougerons pas. A moins que... mince, revoilà Bruno Ganz !

Retrouvez tous les épisodes de Chris & Hendy à la Berlinale 2012

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