conseils pour pas se faire (dé)plumer

Pourquoi les animaux ne font-ils jamais carrière au cinéma ?

Dossier | Par Hugues Derolez, David Honnorat | Le 23 février 2012 à 16h58
Tags : animaux, carrière

Du chien Uggie de The Artist au Joey de Cheval de guerre, les personnages d'animaux ont souvent un rôle essentiel dans les films, mais rares sont leurs interprètes qui parviennent à faire carrière. A l'heure où le monde des hommes s'effondre dans la crise, nos amies les bêtes n'ont-elles pas leur carte à jouer ? Petite liste de conseils à l'intention des bovins, gallinacés et autres cétacés qui veulent percer au cinéma.

Doubler les doublures

Pour les besoins de Cheval de guerre, ce n'est pas moins de deux cent quatre-vingt chevaux qui ont dû être utilisés pour les différentes scènes de bataille, de traction, de labour. Soit près de trois cents De Niro en puissance, de Tom Cruise équin, de Brad Pitt alezan. Si on connaît assez bien le dompteur des chevaux en question (il a déjà officié sur La Légende de Seabiscuit), nous les vrais artistes du film sont des inconnus ; et pourtant ils sont en tout quatorze à jouer le rôle de Joey, le protagoniste, à différents âges de sa vie. Et oui, même si Spielberg clame que Joey est interprété principalement par deux chevaux, pour maintenir la magie de la fiction, ils sont néanmoins quatorze à prêter leurs traits et leurs pattes au héros. Dans ces conditions, comment faire valoir son talent, et sortir du lot ? Il va falloir diversifier ses rôles, mais surtout les multiplier et refuser les doublures comme Jean-Paul Belmondo. Concomitamment, ce serait pas mal d'essayer de vivre un peu plus longtemps pour s'imposer comme superstar (un cheval vit à peine trente ans), mais bon James Dean est mort à 24 ans et ça reste une icone.


Dressage de cheval extrait de Cheval de guerre

Sortir de l'ombre est donc un exercice bien périlleux. S'il faut absolument éviter de tomber dans le piège des interprètes multiples pour le même rôle (qu'on appelle syndrome Parnassus), il faut aussi grimper doucement les échelons de l'actorat international pour ne pas se retrouver de corvée de doublure. En effet, quelle position ingrate que celle de se retrouver à la place de la pauvre doublure fesses de Natalie Portman (dans Votre Majesté), de faire valoir son talent de danseur sans jamais être congratulé (Natalie Portman, dans Black Swan), voire carrément de n'être présent à l'écran que pour faire la pimbêche et réciter platement son dialogue, ce qui n'est guère mieux (comme Natalie Portman dans Thor par exemple). En effet, le milieu du cinéma animalier est plein de jalousie et de batailles d'egos ; difficile de savoir si l'une des vaches de Bovines va réussir à tirer son épingle du jeu, même si nous avons clairement une préférence pour Joséphine.

L'amour est effectivement dans le pré

Les risques du métier

La performance demandée aux bêtes est spectaculaire, dans le sensationnalisme pur, et donc harassante. Beaucoup de jeunes premiers se bousculent au portillon pour devenir une star et jouer aux côtés des plus grands. Triste exemple que celui de l'ensemble du casting de M. Poppers et ses pingouins, soit 12.500 pingouins utilisés à la chaîne, jetés comme des kleenex après utilisation, pressurisés, usés par une accumulation de danse et de contorsions. De cette incroyable séquence de claquettes, seul Fergus, jeune pingouin australien passionné de voyage, est toujours de notre monde, même s'il se dit que face à la pression du starsystem il aurait définitivement sombré dans l'héroïne.


Les pingouins font des claquettes extrait de M. Popper et ses pingouins

Les animaux désireux de devenir des stars hollywoodiennes doivent aussi faire face à une autre difficulté : de vulgaires marionnettes leurs sont souvent préférées. On aurait par exemple bien vu le requin de Jaws mener une carrière à la Anthony Hopkins, seul hic : il est en toc. Cette concurrence déloyale s'aggrave d'ailleurs considérablement avec l'avènement des effets spéciaux numériques qui font préférer aux studios les créatures de pixels à celles de plumes et d'écailles. La situation imaginée pour les acteurs par Andrew Niccol dans Simone est donc déjà une réalité du quotidien chez les animaux.

Dernière injustice : les quelques fois où des humains prêtent leurs voix à nos amies les bêtes le résultat relève rarement de l'Actor's Studio. On comprend donc qu'un Coppola ou un Scorsese n'ait pas eu l'idée de parier sur le bouledogue de L'Incroyable voyage après l'avoir entendu cabotiner pendant une heure et demi.

Une carrière toute tracée

Revenons maintenant à notre Joey, car la prouesse de Spielberg est d'en avoir fait le personnage principal de Cheval de guerre. Si c'était un homme, il serait grand, élancé, élégant, il inspirerait autant le respect que la confiance. Il serait également britannique et bien monté. Ça pourrait donc être Michael Fassbender, mais la fougue de sa jeunesse nous fait plutôt pencher pour un Jamie Bell version canasson. La phase de dressage terminée, ses premiers pas effectués, notre cher Joey va devoir penser à se recycler s'il ne veut pas être labellisé « cheval de guerre » pour le reste de sa carrière.

S'il veut suivre le parcours de son modèle, Joey doit donc rapidement se trouver un réalisateur proche de la rudesse sociale de son pays, pour interpréter le rôle d'un cheval proche des gens, qui en chie au quotidien pour payer ses factures et remplir décemment son écuelle de foin. On verrait donc bien Joey dans un Billy Elliot hippique, mais pour cela il va vite falloir se mettre à la danse, voir prendre carrément prendre exemple sur ses collègues d'Happy Feet et se mettre aux claquettes. Joey devra ensuite continuer à faire évoluer le capital sympathie que lui porte son public avec des films d'action gourmands et ludiques, comme un (Jolly) Jumper, affronter des animaux encore plus gros que lui, comme King Kong, et tourner dans des drames de jeune auteur plein d'énergie et de talent, comme dans L'Autre rive.

L'apothéose pour Joey serait alors, comme Jamie Bell, de se prêter à l'exercice de la performance capture qui ouvre considérablement le champ des possibles puisque la technologie permettrait à l'animal d'incarner des humains.

Si le succès lui monte à la tête, il est probable que Joey finisse par sombrer dans les juments, l'avoine et la scientologie. Il n'aura dès lors plus qu'à espérer un glorieux come-back dans quelques dizaines d'années chez Tarantino aux côtés pourquoi pas de Willy (que personne n'a oublié, mais qui se fait rare à l'écran). Ouais, ce serait bien. De toute façon c'est ça, ou faire de la politique...

Sources : People Pets, Inforoutes de l'Ardèche | Images : © Walt Disney Company & Happiness Distribution

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