Mars, et ça repart

Pourquoi John Carter n'a-t-il pas été adapté plus tôt ?

Dossier | Par Julien Di Giacomo | Le 7 mars 2012 à 12h09

L'info vous aura peut-être échappée, mais la sortie de John Carter marque (à quelques mois près), le centenaire la création du personnage par le romancier Edgar Rice Burroughs. On sera évidemment tentés de se demander pourquoi il a fallu attendre aussi longtemps pour voir ce frère littéraire de Tarzan adapté sur grand écran?

Des débuts animés

John Carter est un de ces films dont le principal enjeu est de nous faire croire en un autre monde, de nous donner à voir du pays et de nous offrir de l'exotisme transplanétaire. Donner corps à ce Mars qui tire plus vers l'heroic-fantasy que vers la SF de manière convenable demande donc de l'argent, beaucoup d'argent, des montagnes d'argent et, ça va de soi, une technologie adéquate dans laquelle l'investir. Ce n'est en tout cas pas pour des questions juridiques que le film mit si longtemps à voir le jour, Burroughs ayant été plutôt enthousiaste à l'idée de voir un autre personnage que Tarzan bénéficier d'une seconde vie.

On pourrait donc voir en ces problématiques techniques une des raisons de la non-adaptation de John Carter, mais c'est sans compter sur l'échappatoire animée : ce qu'on ne peut pas créer en studio, on peut toujours le dessiner, et sans frais supplémentaires. Dans la première moitié des années 30, l'animateur Bob Clampett (qui travaillait alors pour Looney Tunes) plancha activement sur la création d'un long-métrage adapté des histoires de John Carter, qui aurait bien pu devenir le premier film d'animation américain, avant Blanche-Neige? Si ses test-footages n'avaient pas déplu à leur public, coulant le projet.

Inspiration et expirations

Partir sur un échec n'est jamais une bonne chose, et John Carter aura au fil des années l'occasion de prouver à plusieurs reprises qu'il est né sous une mauvaise étoile. Néanmoins, la saga que citent Ray Bradburry, Michael Crichton ou Alan Moore (on fait difficilement plus classe) pourra toujours se targuer d'avoir eu plusieurs intéressantes interprétations en chantier. Si comme moi vous aimez passer de longues heures à imaginer ce que seraient devenus tous ces films abandonnés en cours de pré-production s'ils n'avaient pas été victimes d'avortements artistiques, alors le fait de savoir que John McTiernan, Robert Rodriguez ou Jon Favreau auraient tous pu, à un moment ou à un autre, devenir le réalisateur de John Carter devrait vous mettre le ravioli en ébullition? Mais voilà, le McTiernan tombe à l'eau à cause des insuffisances technologiques de l'époque, Robert Rodriguez se retrouve bouté hors du projet à cause d'une brouille avec la Director's Guild of America, et John Carter reste dans ses tiroirs?

Ceci étant dit, on peut tout de même noter que, pendant que les studios ayant successivement été en possession des droits d'adaptation de John Carter faisaient la fine bouche devant les limites de la création d'images de synthèses, George Lucas s'inspirait allègrement des aventures martiennes de Burroughs pour créer, avec Star Wars, sa propre space-mythologie? En regardant le film de Stanton, on ne s'étonnera donc pas d'y retrouver une planète aussi désertique que Tatooine, une princesse aussi rebelle que Leïa, des méchants qui peuvent contrôler les mouvements de leurs ennemis, un combat en arène contre des grosses bestioles ou le retour du sabre en guise d'arme rétro-cool de prédilection. Et on se gardera donc surtout d'accuser John Carter d'avoir copié Star Wars. Même si les références sont moins évidentes, James Cameron revendique aussi l'influence de l'oeuvre de Burroughs sur? Avatar. Et faute d'une adaptation cinématographique, on peut tout de même noter que Marvel se sera déjà chargé d'une mise en images du personnage dans les années 70 avec une courte série de comics.


Combat inégal dans une arène, extrait de John Carter

Slip to the future

Il aura donc fallu attendre 100 ans avant de voir le personnage d'Edgar Rice Burroughs faire ses sauts de géant sur grand écran, et on est légitimement en droit de se demander si la longueur de ce délai n'est pas plus problématique que les qualités techniques du film voudraient nous le faire croire. De nos jours, il est facile d'avoir l'impression que tout s'adapte de plus en plus vite, et que, lorsqu'on s'attaque à des vieux classiques, la peur de la désuétude pousse à donner dans la surenchère moderniste (Les 3 mousquetaires 3D) ou tout simplement à déplacer les intrigues dans le temps pour en faire des récits contemporains (Voyage au centre de la Terre 2). C'est d'ailleurs ce choix qui a été fait par les producteurs des Chroniques de Mars, une récente adaptation de John Carter en direct-to-DVD, digne d'un Trailer est-il ? et dans lequel on trouve le mannequin pour slip Antonio Sabato Jr et l'ex-actrice-porno-mineure Traci Lords? Si le film fait donc l'effort de transformer John Carter en marine en service en Afghanistan, probablement pour faciliter l'identification du spectateur, il semblerait que l'adhésion du public ne soit pas pour autant complète, ce qui prouve bien qu'il ne suffit pas de transposer un personnage à notre époque pour le faire accepter plus facilement.

Si Andrew Stanton, de son côté, conserve comme lieu temporel du début de son aventure la fin du XIXe siècle, c'est par ses talents d'auteur et de metteur en scène qu'il s'assure de la réceptivité du spectateur. Le mec a tout de même eu 2 Oscars, on ne la lui fait pas. Si plusieurs générations nous séparent du personnage de John Carter, Taylor Kitsch fait de lui une sorte d'archétype absolu du faux anti-héros, rebelle, revêche, doucement ironique mais jamais cynique, toujours prêt à venir en aide à la veuve et à l'orphelin, éminemment romantique. A partir de là, peu importe que Burroughs ait situé les parties terriennes de son récit après la Guerre de Sécession : le personnage en lui-même est absolument intemporel, et seuls les rabat-joies viendront se plaindre que sa vision de Mars paraisse datée au regard des progrès des dernières décennies en matière d'exploration spatiale. Rien ne semble donc s'opposer, sur le papier, au succès du film qui, s'il marche suffisamment bien, pourrait devenir chez Disney le successeur de la fatiguée/fatiguante franchise Pirates des Caraïbes. Avec encore une dizaine de livres de John Carter à adapter, ce n'est pas la matière qui manque.

Sources : CinemaBlend, Yozone via YouTube, Hanford Sentinel | Image : ©Walt Disney Pictures

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