Retour vers le passé

Quand Orson Welles disait aimer la télévision et détester Woody Allen

Rencontre | Par Julie Michard | Le 19 juin 2013 à 14h36

Alors que la sortie d'un livre inédit regroupant des conversations entre Orson Welles et Henry Jaglom est prévue pour juillet, des extraits de ces discussions ont déjà commencé à filtrer sur Internet. Si les entretiens permettent d'en apprendre davantage sur sa personnalité parfois capricieuse, c'est aussi l'occasion de découvrir par exemple ce qu'il pense de la télévision et de Woody Allen...

Orson Welles aka Citizen Kane (1941)

My Lunches With Orson Welles, dont la sortie est prévue pour le 16 juillet, est un livre regroupant des conversations entre Orson Welles et un certain Henry Jaglom. Ce dernier a régulièrement déjeuné avec le cinéaste à partir de 1978 au célèbre restaurant Ma Maison à Los Angeles, dont ils étaient tous les deux habitués. Mais ce n'est qu'en 1983 qu'il se décide à enregistrer leurs bavardages. Les deux comparses s'entendant plutôt bien, on découvre un Orson Welles très à l'aise qui n'hésite pas à dire ce qu'il pense.

Un des passages les plus intéressants porte notamment sur son point de vue sur la télévision. Si ce sujet fait débat de nos jours, il faisait déjà polémique à cette époque. Pourtant, il semblerait qu'Orson Welles avait une façon bien à lui de voir les choses. A la manière d'Hitchcock, le cinéaste avait également fait des allers-retours entre les deux médiums, réalisant ainsi quelques téléfilms. Mais lorsque Henry Jaglom lui préciser qu'aller voir un film au cinéma consiste à se soumettre à une oeuvre, l'opposant de ce fait à la télévision, il réfute cette théorie. Il compare ainsi l'action d'aller frénétiquement au cinéma avec celle du zapping. « Aller au cinéma ne coûtait rien. Si on n'aimait pas un film, on se disait 'allons en voir un autre'. Sortir d'une salle de cinéma était habituel et c'était comme zapper un programme télévisuel. ». Et quand Jaglom poursuit en lui demandant si les films étaient meilleurs avant, il répond par l'affirmative. Quand on sait que Welles a consacré plus particulièrement ses dernières années à des projets télévisuels, on est en droit de se demander si son coeur ne penchait déjà pas pour la télévision. Pensait-il, lui aussi, que l'avenir du septième art était à la télévision ? Cette déclaration est d'autant plus intéressante que la télévision (et plus particulièrement les séries TV) ne figure désormais plus comme le vilain petit canard du cinéma, attirant aujourd'hui de nombreux réalisateurs.

Le recueil comporte également des scènes plus anecdotiques illustrant la personnalité capricieuse du réalisateur de Citizen Kane. Lors d'un repas, il affirme ne pas pouvoir manger de porc, mais décide d'en commander un plat rien que pour le plaisir de le sentir. Un simple caprice de star ? Lorsque le serveur lui demande poliment comment se passe le repas, il répond sèchement qu'il est en train de parler. Henry Jaglom ne manque pas de lui faire remarquer qu'il se comporte comme un asshole (et en lui donnant un coup de pied sous la table) lorsque celui-ci envoie paître un producteur qui souhaitait lui présenter Elizabeth Taylor !

Welles ne mâche pas non plus ses mots à propos de ses confrères. Le pauvre Woody Allen en prend ainsi pour son grade : «Je le déteste physiquement. Je n'aime pas ce genre de types.» dit Welles à propos du cinéaste New-Yorkais avant de préciser : « Il a la maladie de Chaplin. Ce mélange si spécial de timidité et d'arrogance.». On ne sait pas comment Woody Allen a pris la nouvelle, ce dernier étant un grand fan de Citizen Kane qu'il considère comme un des plus grands films de tous les temps.

Au delà de sa personnalité forte, Orson Welles restera avant tout un des plus grands réalisateurs du septième art. Après toutes ces années, Citizen Kane figure toujours dans le top des meilleurs films de tous les temps d'après les grands cinéastes.

Et pour le plaisir des yeux, voici un extrait du film :


La chanson de Charlie, extrait de Citizen Kane

Source : Vulture | Image © RKO Pictures

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12 commentaires
  • AntoineF
    commentaire modéré "Je le déteste physiquement. Je n'aime pas ce genre de types." Énorme. Au moins ça a le mérite d’être clair...
    19 juin 2013 Voir la discussion...
  • Brazilover
    commentaire modéré C'était quand même vraiment pas quelqu'un de sympathique mais on dirait qu'il en était conscient. Citizen Kane c'est presque autant sur lui-même que sur William Randolph Hearst, non ?
    19 juin 2013 Voir la discussion...
  • IMtheRookie
    commentaire modéré @brazilover116 sans m'être beaucoup renseigné sur le sujet c'est ce que j'ai toujours pensé en tous cas.
    19 juin 2013 Voir la discussion...
  • juliemichard
    commentaire modéré A mon avis, il faut déjà être mégalomane pour se caster dans son propre film ; surtout en tant que personnage principal.
    19 juin 2013 Voir la discussion...
  • musashi1970
    commentaire modéré @juliemichard Il y en a un sacré paquet alors, vu le nombre d'acteur qui se mettent en scène en tant que réal': Eastwood, Stallone, De Niro, Redford, .... J'en passe et des meilleurs. certains ne me semble pas si megalo que ca, ... Mais bon après, je pense que dans le cinema, la mégalomanie est plus une qualité qu'un handicap....
    20 juin 2013 Voir la discussion...
  • juliemichard
    commentaire modéré @musashi1970 Ah mais bien sur, je faisais une généralité en disant qu'ils sont tous mégalos. Eastwood et Redford, que tu cites en example, ne me semble pas l'être. Et c'est certain que pour travailler dans ce milieu, il vaut mieux parfois avoir une haute estime de soi. Ne serait-ce que pour la confrontation de sa propre oeuvre à un public !
    20 juin 2013 Voir la discussion...
  • Altoy
    commentaire modéré Je vois bien Woody Allen en éternel insatisfait utiliser ça dans un de ces films genre "everybody hates me... even Orson Welles"
    21 juin 2013 Voir la discussion...
  • MaxHbr
    commentaire modéré La mésentente entre Orson et Woody était déjà une affaire connue. On raconte même que sur le tournage du Casino Royale de 67 (de J.Huston & co) leur scène de face à face fut tournée à des jours différents et avec des doublures tant ils ne se supportaient pas l'un l'autre.
    21 juin 2013 Voir la discussion...
  • kimmylenem
    commentaire modéré "Tout ce qu'il fait à l'écran est thérapeutique" so true !
    3 juillet 2013 Voir la discussion...
  • TaoChess
    commentaire modéré Les cinéastes sont quand même pas tendres entre eux; quand on voit des réalisateurs de générations antérieures, qui ont été des modèles pour les réalisateurs des générations suivantes, dire que ces derniers ne font que de la merde et qu'ils comprennent rien au cinéma (Godard pour Tarantino, ou Welles pour Allen)...
    22 octobre 2015 Voir la discussion...
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