Stars à paillettes, stars à pepettes

Pourquoi n'y a-t-il plus de stars de comédies musicales ?

Dossier | Par Marie Piot | Le 22 février 2011 à 16h27

Ils ont participé à l'âge d'or d'Hollywood en imposant un modèle d'interprètes capables de tout : jouer, danser et chanter, que sont devenus les Fred Astaire, Judy Garland, Gene Kelly et autres Liza Minnelli ?

Où sont les pros du Show ?!
Films subissant stratégiquement une inversion des positions du son et de l'image (la musique prend le pas sur l'image, illustrée par cette dernière), les comédies musicales classiques appartiennent à Hollywood. Leurs interprètes disposaient en général d'une formation complète. Qu'ils soient initialement danseurs de ballet, chanteurs et/ou acteurs, Gene Kelly et Cyd Charisse, Judy Garland et sa fille Liza Minnelli, Ginger et Fred, Julie Andrews ils savaient tout faire. Pour bon nombre d'entre eux, il s'est avéré impossible de se diversifier (Marilyn fut l'exception avec La Rivière sans retour ou Les Désaxés). Ces artistes là restent pourtant, à jamais, des incarnations du rêve américain.

Comment ne pas être épaté par « l'aisance » (qui lui valut quand même une semaine de repos pendant le tournage) de Donald O'Connor dans le numéro Make'em laugh de Chantons sous la pluie ?


Fais les rire ! extrait de Chantons sous la pluie

Tout le monde peut le faire, plus personne n'y croit
Aujourd'hui, même s'il semble démodé de subitement sauter dans les flaques en chantant, cela n'empêche pas quelques réalisateurs téméraires de se lancer dans la production de ces shows filmés particulièrement exaltés. Néanmoins, le spectateur optimiste sort souvent déçu, voire amèrement dégoûté par le foisonnement décousu qui se sera déroulé devant ses yeux.

Certes quelques perles marquent par leurs qualités, telles que Tout le monde dit I love you, Chicago, Moulin Rouge! ou encore Dancer in the dark, ce dernier n'appartenant toutefois pas à la filmographie US.
Malheureusement pour les aficionados, le talent se fait rare, et les rôles masculins charismatiques, inexistants : en témoignent les prestations grotesques de Richard Gere,(Chicago), Colin Firth (Mamma Mia!) et Daniel Day-Lewis (Nine) acteurs chevronnés dans la "vraie vie". Et si John Travolta (Danny Zuko !) peut convaincre certains dans Hairspray, ce sera... par son travestissement en femme.

Pourquoi tant d'échecs ?
Le fait est que n''importe quel acteur peut aujourd'hui se targuer de jouer dans une comédie musicale, quand aucun ne vouera exclusivement sa carrière à celle-ci. Telle une parenthèse dans leurs parcours, Nicole Kidman (Moulin Rouge! et Nine), Meryl Streep (Mamma Mia), Catherine Zeta-Jones (Chicago), Pierce "007" Brosnan (Mamma Mia!), Johnny Depp (Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street) et bien d'autres jouent le jeu, au sens propre du terme. ils ne savent pas forcément chanter ni danser, mais apprennent, s'investissent corps et âme dans leur rôle : celui d'être acteur de comédie musicale. Au pire, la technique saura pallier leur faiblesse.

Il n'est en aucun cas question de sous-estimer les qualités de ces derniers. Pourtant, le genre a perdu ses idoles.

Le cas de Nine est flagrant. Comment Rob Marshall, Monsieur Chicago, peut-il se vautrer si lamentablement ? Outre l'italianisation à outrance et le manque d'intérêt même d'un remake de 8 1/2 de Fellini, on note surtout une pléiade de têtes d'affiches proprement éblouissantes et peu expérimentées. L'environnement surchargé de stars dans lequel le cinéaste plonge le public écoeure. Au final, à travers cet orgie pompeuse et pailletée se démarque (oh surprise) Marion Cotillard, relativement apaisante par sa sobriété et moins vulgaire que le reste du casting.

Le show de Penelope Cruz toute de rose (peu) vêtue lui vaudrait un Razzie Award :


So.. Hot ! extrait de Nine

Reste le cas des stars de la chanson. Les percées des divas dans le cinéma n'ont jamais réellement été concluantes, même si le concept n'est pas nouveau : Barbra Streisand lance ses carrières de chanteuse et d'actrice simultanément avec Funny Girl et Hello Dolly, sortis respectivement en 1968 et 1969. Mais quand Madonna (Evita), Mariah Carey (Glitter), Beyonce Knowles (Dreamgirls) et Christina Aguilera (Burlesque) décident de pousser la chansonnette bien après le début de leur "vie rêvée", le coup d'essai se transforme en mauvaise presse.
L'acteur chante, le chanteur joue, les rôles s'inversent et la comédie musicale joue les intermédiaires. Pour l'auditoire, blasé par tant d'affabulation, la supercherie se révèle de bien piètre consistance.

Broadway dans votre salon
Finalement, les pépites ne se trouvent pas forcément où on les attend. Glee, série à succès de la chaine Fox et Golden Globe 2011 « de la meilleure série télévisée musicale ou comique », attire les spectateurs comme le fit un temps High School Musical, production Disney destinée à un public adolescent.

Encore toute jeune, la série signée Ryan Murphy (créateur de Nip Tuck) crée un engouement exponentiel par ses ambivalences : « collante et douce à la fois, un peu folle dans tous les sens du terme, parfois énervante et souvent enthousiasmante. », voilà le ressenti des Inrocks. Et pour cause, les séquences sont efficacement orchestrées, réfléchies, les premiers rôles ont un talent artistique évident, chacun possédant un don particulier que le metteur en scène sait sublimer.

Mieux, les acteurs du grand écran se bousculent pour apparaître au générique, comme ce fut le cas pour Gwyneth Paltrow dernièrement :

Qu'on se le dise, l'actrice s'en sort bien mais n'est pas à la hauteur des élèves, interprétés par de véritables spécialistes du genre, à l'image de Lea Michele, héroïne parmi les héroïnes, qui a débuté toute jeune sur les planches de Broadway. La messe est dite.

Les stars de comédies musicales se cachaient donc à la télévision, reste à espérer que le succès n'amène pas les scénaristes à multiplier l'apparition de vedettes, qui ont tendance à diluer le niveau et faire de l'ombre aux jeunes, mais plutôt que des producteurs inspirés fassent appel aux plus talentueux pour faire revivre le genre sur grand écran.

« C'est l'une des rares formes d'expression artistiques spécifiquement américaine et ses meilleures réussites méritent bien qu'on parle d'art » disait Gene Kelly de la comédie musicale hollywoodienne dont il sera longtemps l'icône. Pour voir revivre ce genre que l'Amérique a dans les gènes, les amateurs devront donc patienter... on peut toujours rêver !

Retrouver notre Music Box Comédies musicales vol. 1
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2 commentaires
  • Suzanneastic
    commentaire modéré Super article, posant et exploitant une question vraiment intéressante. Sympa d'avoir glissé Glee et l'extrait de Gwyneth ;-)
    7 juillet 2013 Voir la discussion...
  • bredele
    commentaire modéré Il me semble que tu as oublié Bob Fosse et le génialissime Cabaret ainsi Que le spectacle commence.C'était les années 70 pour Cabaret , période inexistante dans ton article.
    Mais c'est sympa comme article même si je ne partage pas toujours tes gouts en matières musicales
    3 décembre 2013 Voir la discussion...
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