Venez-comme vous êtes !

Radiostars : le placement produit jusqu'à l'indigestion

Dossier | Par Cynthia Bertin | Le 13 avril 2012 à 12h45

Le « nouvel Intouchables ». Voilà ce qu'annonçaient certains journalistes à propos de Radiostars, le premier film de Romain Lévy, pourtant scénariste des gros bides Cyprien et Coursier. Puisqu'il cumule ici les deux postes de scénariste ET réalisateur, Radiostars semblait être un pari risqué. Il s'est d'ailleurs vu boudé par les chaînes de télévision hertziennes puisque le film n'a pas fait l'objet de pré-achat. Pour boucler son financement, Radiostars a-t-il dû abuser du placement de produits ?

Cristaline, elle est si bonne !

Le placement de produit est une technique qui consiste à placer visuellement ou verbalement des marques à l'écran. Un peu perçue comme de la publicité cachée, elle est assez efficace étant donné qu'au cinéma, le spectateur est davantage concentré que s'il voyait le placement comme une vulgaire publicité insérée au milieu de son programme préféré. Alors que la méthode est bien rodée aux États-Unis, on la retrouve finalement assez peu, ou de façon plus discrète dans le cinéma français. Ce n'est clairement pas le cas de Radiostars puisque les marques pleuvent à l'écran.

Le cas McDonald's

Radiostars raconte l'histoire d'une équipe d'animateurs à la charge d'une émission de radio matinale, obligée de traverser en bus toute la France afin de reconquérir les auditeurs et redevenir numéro 1 sur les ondes. Un contexte facile pour apposer des marques, ce qui a été l'occasion d'en placer de nombreuses mais surtout une en particulier, et c'est probablement un des placements les plus culottés de toute l'histoire du cinéma français. Si vous avez vu le film vous avez déjà deviné, un segment entier est consacré à la gloire de McDonald's !

Tout commence très innocemment, une petite faim et nos personnages se retrouvent dans un restaurant pour y casser la croûte. Tout à coup, le restaurant devient un personnage à lui tout seul : l'équipe décide d'y rester toute la nuit et d'y enregistrer l'émission du matin. Tout le village est ainsi invité à assister à l'émission et c'est parti pour un McMorning. Au cours de la promo du film par ailleurs, l'équipe ne manquera pas une occasion de citer la marque. Ici une réplique savoureuse de Manu Payet lâchée dans une interview pour Air Mag (le magazine de McDonald's) : « La recette d'un bon film, c'est comme au McDo : si tu ne mets pas la bonne sauce dans le Big Mac, ce n'est plus un Big Mac ! C'est l'assemblage de plusieurs éléments qui donne le goût global. » On notera également que la soirée officielle du film s'était déroulée sur les Champs-Elysées (comme c'est souvent le cas pour ce genre d'évènements)... mais pas n'importe où : dans le McDo des Champs, spécialement privatisé pour l'occasion.

Ce qui est particulièrement marrant dans le cas de ce mariage entre McDonald's et Radiostars c'est que le film épouse exactement les codes de communication de la marque de fast-food. Et tout ça sans jamais glisser dans la parodie. La scène, très proche des derniers spots McDo aurait pu sans problème être ponctuée par le fameux slogan : « Venez comme vous êtes ».

En retour, McDonald's participe activement à la promotion du film, notamment via sa page facebook et s'offre ainsi ce type de vidéos exclusives qui permet au passage aux internautes de cliquer sur « J'aime McDonald's France ».

On retrouvait déjà un gros placement de produit McDonald's dans le film de Luc Besson, plus américain que français Le Cinquième Élément : le premier au détour d'une affiche discrète lors de la circulation de voitures, le deuxième, plus visible lorsque les personnages s'arrêtent commander leur repas dans le restaurant du futur au grand M, avec des serveuses plus que sexy. Bref on entend McDo, on voit McDo, on parle McDo et on n'a plus qu'à aller manger McDo en sortant de la salle...

M&M's, Apple, Sony, Repettos, Cristaline

Ben, le personnage principal s'est fait larguer par sa copine restée aux États-Unis. Et pour lui faire comprendre que c'est bel et bien fini, elle lui a offert un sachet de M&M's personnalisé avec le mot « loser » sur chaque chocolat. « Comment elle a fait ? » demande Manu Payet... « On peut le faire sur Internet. » (en effet). Au lieu de déprimer comme aurait pu le faire Bridget Jones, des heures durant à boire de l'alcool sur son canapé, Ben choisit de manger un chocolat dès qu'il prend une petite revanche sur son ex-copine (comprenez : coucher avec une autre) comme pour lui prouver qu'elle avait tort. Cette technique permet donc à la marque de rester présente tout au long du film. D'ailleurs, les M&M's sont devenus des stars incontournables du cinéma français ces derniers temps, on les retrouvait déjà dans Intouchables, dans la fameuse scène : « pas de bras, pas de chocolat ».


Pas de bras, pas de chocolats, extrait de Intouchables

Dans une scène plus touchante et plus subtile, la marque Apple s'invite dans la chambre du jeune Ben. En effet, il écoute tranquillement de la musique lorsque la fille qu'il convoite lui demande si elle peut lui emprunter le chargeur de son Mac. Les deux jeunes amoureux en profitent donc pour se voir quelques instants, jusqu'à ce que les batteries de leurs ordinateurs soient complètement chargées et c'est durant cette scène qu'a lieu un réel rapprochement entre les deux personnages. Une façon marrante de placer un produit en toute subtilité ; la promotion à l'Apple Store Opéra pour rencontrer l'équipe du film, un peu moins ! D'ailleurs quand on y repense, dans LOL, la comédie française qui fait l'objet d'un remake américain avec notamment Demi Moore et Miley Cyrus, les personnages Gaël et Lola échangeaient des mots tendres et tombaient eux-aussi amoureux grâce à la nouvelle technologie, plus particulièrement grâce à MSN.

Qui d'autre que le géant Sony pouvait représenter l'éclate entre mecs sur une console de jeux vidéo ? C'est pourquoi dès le début du film on voit les personnages disputer une partie de jeu de combat dans un cinéma, et si la marque n'est pas citée, on peut nettement apercevoir le design des manettes de jeu Playstation. Cyril, un personnage un peu à part, sera vanné tout au long du film surtout sur sa tenue vestimentaire et plus particulièrement sur sa paire de chaussures : des Repettos ! Ça nous rappelle aussi la fameuse scène dans La Croisière où le personnage interprété par Marilou Berry s'excuse auprès de ses chaussures Louboutin avant de les détruire en cassant la vitre d'une alarme.

Enfin, qui n'a pas reconnu la critique de la marque Red Bull (qui a refusé d'être partenaire ?), via une fausse boisson à la taurine qui rend malade un stagiaire ? En revanche, les autres personnages prennent soin d'eux et s'hydratent, notamment lors des scènes d'enregistrement grâce à des petites bouteilles d'eau de source, de marque Cristaline bien sûr.

Quand on sait que grâce aux agences qui se chargent de gérer les marques et faire ce genre de partenariats, un seul placement de produit dans un film peut rapporter de 5.000 à 100.000 euros, on comprend mieux pourquoi certains n'hésitent pas à en noyer leurs films !

Terminons avec un rapide historique du placement de produit en vidéo qui prouve que ça n'a jamais empêché de faire de bons films :

Mise à jour du lundi 16 avril :
Suite à la publication de notre article, le réalisateur a réagi, non sans humour, sur twitter :

Traduction pour ceux qui ont du mal avec les hashtags et le langage SMS : « Sache que nous n'avons pas touché un centime des marques McDonald's, Nike, Apple ou M&M's. J'aime ces marques, donc je les filme. Il y a aussi Prince de Lu, Supreme, Bape. »

Nous avons ensuite été en contact téléphonique avec Olivier Bouthillier, directeur de l'agence de placement de produits Marques & Films (qui a, par ailleurs, laissé un commentaire assez complet en bas de l'article).

Celui-ci nous a expliqué qu'en effet, Romain Lévy tenait absolument à voir ses marques préférées dans son film. Le rôle de l'agence dans ce cas est de s'assurer que l'intégration de la marque se fasse dans de bonnes conditions. On comprend d'ailleurs mieux pourquoi la boisson énergétique du film est une marque imaginaire, car Red Bull aurait difficilement pu accepter d'être montrée comme un poison envoyant un personnage à l'hôpital.

Dans le cas du McDo un partenariat non commercial a permis la privatisation complète d'un restaurant pendant deux jours pour la fameuse scène citée plus haut. Cela a forcément généré un coût pour le fast food, inaccessible pendant le tournage, qui aura sans doute été rentabilisé au travers de la pub faite par le film. Ce partenariat win-win, encadré par un contrat très pointilleux, a donc fait économiser de l'argent à l'équipe qui, sinon, aurait été obligée de reconstruire un faux Fast-Food pour les besoins du film (le réalisateur aurait de toute façon refusé de tourner chez les concurrents de la marque). Un échange de bons procédés donc (si on ajoute la bienveillance promotionnelle réciproque décrite plus haut), mais pas d'échange de fonds.

« Aucune des marques présentes dans le film n'a donc payé directement pour sa présence à l'écran, elles sont là à la demande du réalisateur, et parce qu'il a su leur offrir un environnement bienveillant. » conclut Olivier Bouthillier (qui précise par ailleurs que son agence a agi gracieusement sur ce coup dans le cadre des partenariats réguliers qu'elle a avec Les Films du Trésor). Qui aurait pu croire qu'il existait de vrais fans de Cristalline ?

Retrouvez la BO complète de Radiostars

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22 commentaires
  • funculturepop
    commentaire modéré Pour info, Romain Levy est un énorme fan de McDo. Il paraît qu'il a un énorme arche en forme de M chez lui (on a un ami en commun^^). Je crois que c'est pour ça qu'il y a tant de références à McDo dans le film.
    13 avril 2012 Voir la discussion...
  • guiworld
    commentaire modéré On voit aussi: Air france et coca cola.
    15 avril 2012 Voir la discussion...
  • lulabeescott
    commentaire modéré Oui et Prince de Lu, Suprème et Coca !
    15 avril 2012 Voir la discussion...
  • guiworld
    commentaire modéré et les céréales nestlé
    16 avril 2012 Voir la discussion...
  • guiworld
    commentaire modéré et lexus
    16 avril 2012 Voir la discussion...
  • OlivierBouthillier
    commentaire modéré "Le Placement jusqu'à l'indigestion" : ERREUR de compréhension et d'interprétation de votre part !

    RADIOSTARS n'est pas un film à "placements de produits", c'est juste un film de génération, écrit par un auteur qui souhaitait récréer la vraie vie.
    Vous confondez "le placement de produits" et le fait de voir des marques dans une fiction qui doit être la plus réelle possible pour que les spectateurs y croient.
    Une histoire, si elle est contemporaine, doit être le reflet de la vie. Les auteurs, les réalisateurs sont très pointilleux sur les produits ou marques qui sont associés aux personnages, car ces auteurs ont écrit, ont donné vie à ces personnages.
    Les agences de placements de produits ne peuvent rien imposer, elles proposent aux réalisateurs qui disposent !

    Pour RADIOSTARS, Romain Levy décrit une bande de potes qui animent une émission de radio. Dans la vie, sur le plateau d'une émission de radio, les marques, les produits de consommation sont présents et sont consommés. Quoi de plus normal qu'ils soient également présents dans le film ?
    Le réalisateur très déterminé sur son univers, ne voulaient pas que nous changions ce qui était naturellement scénarisé car pour lui, ces marques représentaient son univers.
    MAC DO : difficile pour lui de le remplacer par son concurrent. MAC DO n'a pas payé son placement, il a prêté un restaurant et s'est associé à la campagne de promotion. Quoi de plus naturel quand on voit le résultat final.
    Idem pour M & M'S qui a pour principe de ne jamais financer ses présences dans les fictions (idem pour INTOUCHABLES).
    Idem pour APPLE qui ne paie JAMAIS. Cette marque et les nombreux produits APPLE sont très présents uniquement car les réalisateurs veulent cette marque qui exprime beaucoup de choses.

    En conclusion, le Placement de produits ne finance pas les films.
    Les auteurs ont beaucoup de pouvoir, ils ont le dernier mot sur le montage du film et ne sont donc pas ouverts à transformer leurs films en catalogues publicitaires.
    A la lecture d'un script, nous leurs faisons des propositions sur ce qui est scénarisé. Ils choisissent.
    Un bon Placement de produits ne doit pas se voir, il doit être "naturel".
    AUCUN des exemples que vous citez sur RADIOSTARS n'est un placement de produits de sont juste des marques souhaitées par le réalisateur qui n'ont pas financé leur intégration dans le film.

    Notre époque donne beaucoup d'importance aux produits & marques, il est normal de les retrouver, parfois de façon incontournable ou ostentatoire, au coeur d'une fiction, mais dans ce cas là c'est uniquement le choix du réalisateur !

    Olivier Bouthillier - MARQUES & FILMS
    16 avril 2012 Voir la discussion...
  • tchuntfr
    commentaire modéré @OlivierBouthillier merci pr cette intervention. Je m'étais fait la réflexion, à la lecture de l'article, que la présence de ces marques n'avait rien d'étonnant non plus étant donné la place des marques dans notre quotidien, vous confirmez cette impression.
    16 avril 2012 Voir la discussion...
  • Lopocomar
    commentaire modéré Enorme dernière phrase. Je n'ai pas vu le film encore mais autant le placement des produits McDo & co dans le film peut apporter un semblant de réalisme. Autant toute la partie promo sponsorisée McDo & Apple où tu es obligée de te rendre sur les lieux de ventes des marques pour voir l'équipe du film, c'est vraiment limite.
    19 avril 2012 Voir la discussion...
  • funbordiste
    commentaire modéré bonjour, plus que le placement produit quelque peu intrusif ou trop peu dissimulé (cf. citation directe de la marque apple avec son mac, etc...) je suis beaucoup plus gêné par la présence très significative de la cigarette (temps écran cigarette vs durée du film) et de son association aux valeurs du présentateur radio: cool, indépendant, drôle, rebel comme au rapprochement direct avec l'image du comédien. En utilisant donc les mêmes codes que ceux prônés par le lobby tabac. je suis d'accord que cela arrangeait la production de tourner dans un vrai macdo (et encore recréer un fastfood il doit y avoir plus coûteux) autant se passer de la cigarette omniprésente aurait été pu être possible. j'ai vraiment été frappé par ça dans le film. un peu comme la marque Wilson dans 'seul au monde'...
    14 octobre 2012 Voir la discussion...
  • badamoum
    commentaire modéré un bon ptit film malgré tout

    http://la-pub-dans-les-films.fr/archives/4309
    19 novembre 2012 Voir la discussion...
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