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Cinq conseils pour réussir une mauvaise comédie française

Top 5 | Par Julie Michard | Le 16 juillet 2012 à 17h25

En cette triste période estivale, il pleut des trombes d'eau ET des mauvaises comédies françaises. Une sorte de double-peine pour les vacanciers privés de baignade comme pour les travailleurs en manque de délassement. Alors, pour "fêter" la sortie cette semaine de Bowling et de Paris-Manhattan, voici la recette en cinq points pour être sûr de bien rater sa comédie franchouillarde. Comme ça, si un jour l'envie vous prend de vous lancer, vous n'aurez plus qu'à suivre la recette. C'est clairement à la portée du premier venu.

NB : premier degré, s'abstenir.

Mathilde Seigner et Laurence Arné à l'affiche de Bowling

1. Un titre court

Le titre, c'est la marque de votre projet, il donne du rêve, il suscite le désir et surtout il faut pouvoir le mémoriser sans problème. Quand vous lancez un nouveau produit sur un marché très concurrentiel, le nom n'est pas à négliger. Il doit synthétiser efficacement le concept et le pitch du film. Comme la bande-annonce qui résume au profane l'histoire en deux-trois plans, le titre nous donne, au premier coup d'oeil, l'idée générale du film, quitte à gâcher l'effet de surprise. Camping, Maman, Potiche, LOL, RTT... Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? Onteniente est passé maître dans l'art du titre en un mot ; vous pourrez peut-être lui demander quelques conseils à l'occasion. Une fois que vous le tenez, ne reste plus qu'à dérouler le pitch. Attention, tous les mots ne feront pas l'affaire, concentrez-vous sur des noms génériques et évitez de donner dans le grandiloquent ou le métaphysique. Avec un titre comme Amour, Michael Haneke raconte la fin de vie d'un couple d'octogénaires mis à rude épreuve. Pas très LOL.

2. Des acteurs en carton

Dans une comédie populaire, encore plus qu'ailleurs, le choix des comédiens est une étape cruciale si vous avez l'ambition de titiller les cimes du box office. N'hésitez pas à mettre le prix pour vous offrir une paire de pointures bankable. Qu'ils aient vraiment du talent ou pas n'est franchement pas votre affaire. S'ils sont bons, tant mieux, vous passerez moins de temps à vous prendre la tête avec la direction d'acteur. Et s'ils sont ridiculement mauvais, tant pis, on les paie déjà assez, ils se débrouilleront tout seuls. Tant pis donc, si leurs répliques sonnent comme du mauvais théâtre de boulevard, du moment que le public arrive à suivre.

Evidemment, on sait bien que le choix d'un acteur est cornélien et qu'il faut pas mal de chance et d'intuition pour ne pas se planter. On n'a jamais la garantie qu'un bon acteur sera à la hauteur, mais au moins, quand il s'agit de prendre des quiches, l'avantage, c'est qu'on n'a peu de chances d'être déçu. Pour bien rater sa comédie, allez donc chercher les spécialistes de la réplique balourde et de la pantalonnade, ceux que le ridicule ne tue pas, bien au contraire. Bref, faîtes en sorte de votre casting prenne des airs de Dîner de cons.

3. Une musique populaire

La musique du film doit passer pour une sorte de jukebox de tubes pop mielleux et de variété ringarde. N'hésitez pas à bouleverser la ménagère nostalgique de sa jeunesse avec du standard qui tâche, quitte à ce que les droits d'auteur plombent votre budget. Au pire, n'hésitez pas grignoter le budget décors et post-prod ; vous êtes pas là pour faire de l'ombre à Terrence Malick, hein. Attention toutefois à bien placer vos morceaux phares. Dans les scènes tristes, pas besoin de s'appeler Bergman pour avoir la bonne idée de caler quelques notes de piano bien senties pour faire pleurer dans les chaumières. N'allez surtout pas chercher la sonate méconnue de Chopin que personne connaît, jouez les valeurs sûres. Si vous êtes en panne d'inspiration, allez fouiner dans la fameuse compil' : "J'aime pas le classique mais ça j'aime bien". Vous y trouverez certainement la petite mélodie qui parle au plus grand nombre.

Autre option un peu plus casse-gueule : glisser un interlude dansé. Mais alors un truc court, léger, surtout, n'allez pas improviser une comédie musicale non plus. Laissez ça aux professionnels. Les plus courageux peuvent se la jouer parodique, comme dans L'Arnacoeur, où les acteurs ont dû apprendre la chorégraphie de Dirty Dancing. Mais si le budget (ou leur talent naturel) ne le permet pas, contentez-vous d'un bon gros tube des années 80-90 et laissez-les se trémousser dessus. Ce sera soit émouvant, soit ridicule, soit les deux. Dans tous les cas, vous êtes gagnant.

4. Des clichés efficaces

Toute bonne comédie populaire se doit de jouer avec la caricature, le stéréotype, le cliché, de préférence en les confrontant, c'est plus rigolo. Rien de tel qu'un bon vieux "choc des cultures". Les Sudistes bon esprit vs les Nordistes renfrognés (Bienvenue chez les Chtis), le noir pauvre MAIS enjoué vs le blanc blasé MAIS riche (Intouchables)... Les exemples sont légion et ils ont probablement rapporté plus que la dernière cagnotte EuroMillion. Si vous êtes en panne d'inspiration dans la veine "beauf" (le pré carré d'Onteniente), rabattez-vous sur l'éternelle rivalité Paris/Province. Le sujet est un peu usé, mais il est intarissable.

Quelque soit le (ou les) milieu social(aux) auquel(s) vous vous attaquez, attention à ne pas blesser votre public potentiel : vous pouvez vous moquer de la famille dans son camping ou du pilier de bar du village (les campeurs et les alcooliques ont aussi de l'auto-dérision), mais de grâce, n'oubliez pas de les rendre un tant soit peu sympathiques. Dans Bowling, l'enfant breton est forcément roux et il joue aux Vikings. Dans Radiostars, le parisien est forcément narcissique et prétentieux. Dans Potiche, la blonde est forcément stupide (sauf Catherine Deneuve, qui a une réputation à tenir), mais tous dévoileront petit à petit leur personnalité et leur sensibilité pour mettre à mal ces clichés qu'on leur colle sur le dos. Laissez donc libre court à votre imagination...

5. Une belle leçon de vie

La cerise sur le gâteau d'une bonne comédie française, reste évidemment son message, sa morale, sa leçon de vie. Après tout, que seraient les fables de La Fontaine sans leurs conclusions pleines de sagesse ? En ce moment, la tendance est au social, sur fond de crise économique. Le dernier film de Cédric Klapisch, Ma Part du gâteau surfait habilement sur la vague. Face à l'adversité, pas de question à se poser : il faut célébrer les vertus salvatrices de l'amour, de la solidarité et du partage. La Vie n'est peut-être pas un long fleuve tranquille, mais nos bonnes vieilles valeurs humaniste sauront triompher d'un système qui broie des vies humaines en quantité industrielle. Hugo Selignac, producteur des Petits Mouchoirs, avait ainsi vanté les mérites d'« un film généreux dont on sort en ayant envie de dire aux gens qu'on les aime ». Sérieusement, qui peut encore résister à un tel message ? Après tout, nos amis américains n'ont pas le monopole du feel good movie.

Ces précieux conseils ne nous ramèneront peut-être pas le beau temps, mais si avec ça, votre prochain film n'explose pas les Intouchables au box-office, nous, on n'y comprend plus rien.

Image © Pathé

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