My bloody valentine

Twilight 5 et après ? Héritage et avenir de la saga phénomène

Dossier | Par Yohann Ruelle | Le 15 novembre 2012 à 16h46

Avec 552 766 spectateurs pour son premier jour (dont 220 000 en avant-première), Twilight 5 a réalisé hier le plus gros démarrage de l'année (devant The Dark Knight Rises et l'Age de Glace 4).

Mais voilà, c'est la fin. Soulagement pour les plus sceptiques ou sévère dépression nerveuse pour les fans : la saga est terminée. Twilight Chapitre 5 : Révélation 2ème partie, l'ultime opus des aventures romantico-vampiriques de Bella Swan et Edward Cullen, va ainsi déferler encore quelques semaines dans les salles obscures françaises mais ce sera le dernier tour de piste. On a tout lu, tout entendu sur Twilight. Objet de culte ou soupe indigeste, sacrilège impardonnable ou oeuvre résolument moderne, il n'empêche que la saga a déchainé les passions et indubitablement marqué de son empreinte le cinéma contemporain.

Chacun y versera sa petite larme, c'est certain. Des sanglots façon torrents de cascade pour les twihards les plus acharnés, des perles de joie au coin des yeux pour les plus réfractaires à la saga littéraire et cinématographique. Et maintenant ? C'est le dernier tour de piste d'un juteux phénomène promis aux oubliettes. Ou le début d'un nouveau cycle fier de l'héritage qu'il sème. Analyse.

La poule aux oeufs d'or

Impossible d'y échapper. Les yeux fakement dorés sous le brushing parfait de Robert Pattinson, le regard mono-expressif de biche morte de Kristen Stewart, la mine sombre et le corps bodybuildé de Taylor Lautner. Partout, tout le temps, sur les affiches grand format du métro, dans les kiosques à journaux, les librairies, à la télé, sur le web, dans la chambre de votre gamine. Et oui, Twilight a donné tout son sens au mot matraquage publicitaire. Quatre bouquins sirupeux, cinq long-métrages à vomir d'ennui, et hop ! La fresque vampiro-lycanthropique est devenu une arme de distraction massive.

Pourquoi ce phénomène ? Disons-le, Twilight s'apprécie comme un bon cocktail : des ingrédients vus et revus mais qui explosent en bouche une fois mixés ensemble. Une histoire d'amour interdite a toujours fait rêver l'imaginaire collectif, le syndrome Roméo et Juliette qui a enfanté les plus grands classiques du cinéma, d'Autant en emporte le vent à Titanic, en passant par In the mood for love ou Casablanca. Le triangle amoureux Edward-Bella-Jacob exalte le fantasme et l'imagination des lecteurs qui y matérialisent leur soif de liberté et leurs désirs. Du sexe justement, Twilight en déborde tant il transpire l'abstinence et l'impossible transgression (Bella l'humaine veut goûter au plaisir charnel, Edward le vampire a peur de la croquer tout court). Ces éléments transposés dans une dimension fantastique peuplée de vampires et de loups-garous, c'est ça le vrai coup de génie de Stephenie Meyer.


Bella's Lullaby, extrait de Twilight - Chapitre 1 : fascination

La recette est parfaite : 2,5 milliards de dollars au box-office pour les quatre premiers films, 110 millions de livres écoulés comme des petits pains à travers le monde, un indice de rentabilité proprement hallucinant (Le deuxième volet, Tentation, a rapporté 14 fois plus que son budget !), 30 millions de DVD/Blu-Ray vendus rien que sur le sol américain... Des chiffres qui donnent le vertige. Twilight est une cashmachine exceptionnelle et le studio indépendant qui l'a produit ne s'en mord pas les doigts : Summit Entertainement a été racheté début 2012 par Lionsgate.

Les young adult s'emparent du phénomène culturel

Opportuniste, Stephenie Meyer ? Peut-être bien. A bien des égards, l'auteur américaine s'est engouffré dans la brèche ouverte par un certain Harry Potter. La formidable saga en sept tomes et huit films de J.K. Rowling a réussi le tour de force inédit de réconcilier jeunesse et lecture, et cela au moment même où naissait internet, et les bouleversements technologiques et sociétales que l'on connaît. La romancière britannique a construit les fondations du succès futur de Twilight, en relançant l'attrait du public pour le genre fantastique. Les deux fresques possèdent pourtant une différence singulière. Là où Harry Potter a accompagné une génération entière qu'il a vu grandir, passant du livre pour enfant au roman d'adulte, Twilight, lui, s'est directement approprié un coeur de cible peu disputé : les young adult.

Sous ce terme barbare, traduit par adulescents en bon franchouillard, se cache un lectorat élargi âgé grosso modo de 16 à 24 ans, voire plus puisqu'à l'instar du terme adolescent, il relève plus d'un état d'esprit que d'un nombre d'années bien défini. Le précurseur du genre est l'anglo-saxon Philipe Pullman, dont le premier tome de la Croisée des Mondes (adapté en 2007 au cinéma) fut le premier ouvrage jeunesse édité en grand format, en 1995. Twilight arrivera dix ans plus tard, mais comme tout bon marteau, a su enfoncer le clou.

Au point de susciter un engouement démentiel, et plus particulièrement sur la toile, où fleurissent les forums dédiés et les fanfictions, des récits écrits par des fans reprenant les éléments d'une oeuvre existante, son univers et ses personnages, pour en proposer une histoire inédite. Parmi l'océan de fanfic disponibles sur Twilight, certaines finissent par arriver en librairie. Et même devenir des best-sellers comme Fifty Shades of Grey, bouquin porno sado-maso de la rentrée et sensation littéraire (50 millions d'exemplaires vendus à ce jour), à l'origine une version hard de la romance Bella-Edward...

Critiquée, raillée, lynchée, la saga de Stephenie Meyer n'en demeure pas moins un marqueur culturel rentré dans les moeurs. On vous compilait l'année dernière les nombreux films évoquant Twilight au détour d'une vanne ou d'un dialogue. Une preuve supplémentaire, malgré la horde de haters, que les livres et les films sont devenus une référence si évidente qu'on a plus besoin de les avoir consommé pour les identifier.

Le mythe du vampire

Il est bien loin le temps où Bram Stoker dépeignait le vampire comme une créature sanguinaire, un monstre immortalisé au cinéma par Bela Lugosi dans Dracula (1931) ou Christopher Lee dans le Cauchemar de Dracula (1951) et ses suites. Aujourd'hui, les vampires de Twilight sont végétariens, amoureux transis et brillent au soleil comme des boules disco. Fini gousses d'ail, eau bénite et les crucifix. Peut-on crier au blasphème ? Presque.

Et pourtant, le mythe est un récit légendaire, déformé sous le prisme des croyances populaires et l'imaginaire des sociétés qu'il traverse. Pourquoi diable le vampire n'aura-t-il pas le droit de devenir une icône romantique ? « L'éternité c'est long, surtout vers la fin » disait Kafka, alors si les buveurs de sang sont en mal d'amour, vont au lycée et s'éprennent d'une humaine, c'est bien leur droit. Twilight n'est d'ailleurs pas le premier à transformer les buveurs de sang en conteur de fleurettes. Dans Entretien avec un vampire de Neil Jordan, basé sur les Chroniques des vampires d'Anne Rice, Tom Cruise et Brad Pitt deviennent des êtres sulfureux et sensuels, aux moeurs et à la sexualité débridée, capables d'éprouver des sentiments humains. On peut remonter plus loin avec le cinéaste Jean Rollin, précurseur du genre en France, qui a très fortement érotisé le mythe grâce à un esthétisme personnel, comme dans La Vampire Nue (1969).

A la télévision, des séries comme Vampire Diaries ou True Blood marchent déjà dans le sillage de Twilight, en multipliant les arcs romantico-sexuels autour des protagonistes. Il faut se faire à l'idée : dans la pop culture d'aujourd'hui, les vampires sont devenus des objets de fantasme, métaphores des peurs et des angoisses liées au désir sexuel et amoureux.

La saga... à l'aube d'un nouveau jour ?

Ainsi donc la saga vampirique de Bella et Edward touche à sa fin... du moins en théorie. On attendait avec impatience de savoir comment se terminerait ce cinquième opus, Lionsgate n'étant décidément pas prêt à lâcher aussi vite sa lucrative planche à billets. Source d'espoir ou d'inquiétude, Révélation partie 2 ne propose pas de vrai point final. La conclusion librement ouverte peut autant signifier la fin de la franchise que déboucher sur une suite. Et entre nous, on pencherait plutôt sur cette deuxième option.

Il y a d'abord ces rumeurs autour d'une possible adaptation du film en série télé, centrée sur de nouveaux personnages. On parle même de spin-off, sous forme de films dérivés de l'oeuvre originale. Et pour cause : le dernier épisode regorge de vampires inédits, venus apporter leur aide au couple Cullen alors traqué par les Volturi. Garett, le nomade cynique et charmeur, Benjamin, l'égyptien capable de maîtriser les éléments ou les trois Amazones et leurs illusions... Autant de pistes potentielles qui pourraient prolonger l'univers, sans parler de l'hypothèse Renesmée, la fille d'Edward et Bella.

Il y a quelques jours en conférence de presse, Stephenie Meyer laissait échapper une surprenante révélation. Voilà que la bougresse ne dirait pas non à l'écriture d'une suite à sa saga ! « Je ne vais pas le faire aujourd'hui, mais je ne sais pas comment je serais dans 5 ans... J'ai déjà des petits plans qui pourraient prendre place dans plusieurs autres livres. Il y a d'autres personnages qui, je pense, ont énormément de choses à dire dans ces futures histoires ».

Pas d'adieux mais de simples au-revoir donc ? Du côté des stars de la saga, on se dit prêt à tourner la page. « J'ai passé tellement de temps dans cet univers que j'ai vécu tout ce qu'il y avait à vivre à travers cette expérience, explique Kristen Stewart. J'ai un vrai sentiment d'aboutissement. C'est fini, réglé, derrière moi. Je suis prête à passer à autre chose. ». Son partenaire, Robert Pattinson, balaye l'hypothèse avec ironie : « Pourquoi ne pas en faire un de plus. Après tout, j'en ai déjà fait cinq. Alors six... ».

Seul Taylor Lautner semble partant pour un éventuel retour. « Si je pouvais remonter le temps et donner un conseil à cet ado de 16 ans sur le plateau du premier Twilight, je lui dirais "Profite et apprécie chaque seconde de ce qui va t'arriver. Tu as peut être l'impression que ça va durer éternellement, mais c'est faux. Et une fois que ce sera terminé, tu seras dégoûté et rêveras de tout recommencer une seconde fois". Tout ce que touche Stephenie Meyer se transforme en or. Si on me propose la suite, j'y réfléchirai. ».

« Pour l'éternité »

La tagline de l'affiche du dernier volet sonnait comme une épitaphe... Et si c'était la plus belle des promesses faite aux fans ?

Images : © Lionsgate

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6 commentaires
  • stillMargotte
    commentaire modéré "le regard mono-expressif de biche morte de Kristen Stewart" : excellent! xD Sinon très bon article.
    18 novembre 2012 Voir la discussion...
  • Arch_Stanton
    commentaire modéré Non, mais c'est bon en fait. Pas besoin que cette "saga" ait un héritage. C'est pas indispensable au cinéma.
    24 novembre 2012 Voir la discussion...
  • bell
    commentaire modéré c'est vraiment dommage que vous continuer pas twilight ce film a était le meilleure pour moi vous aurez du continuer
    2 mars 2013 Voir la discussion...
  • 3615_CH
    commentaire modéré Y'A PAS D’HÉRITAGE, JUSTE UNE GÉNÉRATION DE CINÉPHILES JETÉE A LA POUBELLE ET INTOXIQUÉE A LA MERDE !!
    1 août 2013 Voir la discussion...
  • SKubrick75
    commentaire modéré Comparer Twilight à la saga d'Anne Rice. « Entretien avec un vampire », c'est plus que des amourettes de pacotille au pays des bals de promo.

    Tu es en train de comparer un quadrilogie de pseudovampire « brillant », à une saga qui ne détruit pas les mythes vampiriques, mais qui les réactualise.
    Alors que Twilight, anéanti le mythe, pour en faire du pâté pour chien, Anne Rice elle le détruit pour mieux le reconstruire, un coté plus prédateur, derrière le charisme, la beauté des personnages il y a une personnalité ravagée, destructrice, sombre, sadique, mélancolique, un sentiment de luxure, qui brave tous les interdits, toute les règles. (le seul qui n'est pas comme cela est Louis).
    Ou il y a un gentil enfant hybride, il y a un monstre buveur de sang, utilisant son physique de poupée pour tuer, une femme dans un corps d'enfant. On n’est pas à la recherche de la parfaite famille d'immortelle, on est dans un duo d'homme recherchant autant les femmes que se recherchant eux-mêmes. On est très loin de vampire faisant la bronzette au soleil en buvant du sang de biche, même Louis fini par boire du sang humain, et que dire du père et de sa « fille », qui anéantisse des familles entières, en faisant semblant de boire du thé avec eux.
    De plus, Neil Jordan a parfaitement à reprendre l'atmosphère, des plantations coloniales, à paris en passant par la peste de la nouvelle Orléans

    Parler d'héritage, de génération Culen, et de dire que c'est la base des prochains films de vampire. C’est plutôt la génération filles de 16 ans, qui ne peuvent pas s'empêcher de voir un film, parque' elle aimerait tous se trouver un boyfriend comme lui, on dit bien de l'adolescence que c'est l'âge con, ça leur passera.
    4 novembre 2013 Voir la discussion...
  • nahouraanhar
    commentaire modéré Je suis vraiment déçu qu'il n'y ait pas de suite la rumeur dit que peut être il y aura Twilight 6 mais qu'il n'y aura pas Kristen Stewart "Bella" et que à la place il y aura peut-être Selena Gomez qui remplacera le rôle de Bella.
    3 janvier 2016 Voir la discussion...
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