Room 2018

2001, L'Odyssée de l'espace : le mystère enfin percé ?

Sur le web | Par Joseph Boinay | Le 12 juillet 2018 à 19h45

Un enregistrement inédit révèle le sens que Stanley Kubrick attribuait à la scène finale de 2001. L'occasion de le découvrir (si vous ne l'avez pas vu) et d'en discuter dans les commentaires. 

Monolithe impénétrable et transfixiant pour les uns, cénotaphe mangé par la mousse pour les autres, 2001 trône sur le cinéma depuis un demi-siècle maintenant, sans arme, ni haine, ni violence : on vit, on disparaît et le mystère demeure, quelque lumière qu’on voudrait bien y apporter. Du moins c’est ce qu’on pensait jusqu’à aujourd’hui. Pas spécialement loquace de son vivant, mort avant même la sortie de son ultime chef-d’œuvre, il semblerait que Kubrick nous a joué un dernier tour du haut de l’infini, avec une révélation pour le moins spectaculaire. Pour mémoire, la plus célèbre des odyssées métaphysiques se terminait par un final merveilleursement sibyllin : une embardée psychédélique, une chambre au vert douteux, un vieillard sur son lit de mort, le doigt pointé vers un fœtus nimbé de lumière… Ainsi Parlait Zarathoustra. Rideau. Pour le service après vente, il fallait se débrouiller tout seul (attention, l'extrait dévoile la dernière scène du film) : 

La Voix de son maître

Mais voilà que, surgi de nulle part, un document semble révéler les intentions du maître : chacun pensait le fin mot de l’histoire éternellement enfoui avec Kubrick au manoir de Childwickbury, mais un documentaire exceptionnel a mystérieusement reparu sur Youtube alors même qu’il n’avait jamais été distribué. On y voit (ou plutôt on y entend) le cinéaste s’expliquer sur la célèbre scène avec le documentariste Jun’ichi Yaoi :

J’ai essayé d’éviter d’en parler depuis la sortie du film. Quand on les dit, les idées semblent stupides, alors que si on les montre à l’écran les gens les ressentent. Mais je vais essayer : il est enlevé par des entités semblables à des dieux, des créatures d’énergie et d’intelligence pures, sans contours ni forme. Ils le mettent dans ce qu’on pourrait décrire comme un zoo humain pour l’étudier, et toute sa vie se déroule par la suite dans cette pièce. Il ne ressent pas le passage du temps. De son point de vue, tout semble se dérouler tel que montré dans le film. Ils ont choisi cette pièce, une réplique (délibérément) inexacte de l’architecture française, parce qu’ils imaginaient que c’est ce qu’il pourrait trouver beau, sans en être certains. De la même façon que dans les zoos, nous ne sommes pas surs de la façon dont nous devrions reproduire l’environnement naturel des animaux. Quand ils en ont fini avec lui, comme c’est le cas dans tes tas de mythes de toutes les cultures à travers le monde, il est transformé en une sorte d’être supérieur et renvoyé sur Terre. Il est devenu une sorte de super-héros. On ne peut qu’imaginer ce qui se passera quand il rentrera. C’est le modèle de nombreuses histoires mythologiques, et c’est qu’on tentait de suggérer.

Malin génie 

De fait, l’hypothèse du « malin génie » chère à Descartes est séduisante intellectuellement (et par ailleurs, assez proche du livre), mais faut-il s’y restreindre ? En plaçant le film du côté de la pure science-fiction et du mythe (et des extra-terrestres), la parabole métaphysique et existentielle ne s'en trouve-t-elle pas ternie ?

Sans doute devrions-nous plutôt y voir un simple élargissement du champ des (déjà) nombreuses hypothèses. Après tout, cette soudaine révélation a tout pour provoquer de multiples questionnements : pourquoi le bien secret Kubrick se résoudrait-il à faire cette déclaration ? Et pourquoi encore en publier l'enregistrement aujourd’hui seulement, quelques quarante ans après ? Et d'abord, est-ce bien sa voix au téléphone ? De quoi nourrir une belle petite paranoïa, de celle qui faisait notre joie en 2013, rappelez-vous, ça s’appelait Room 237.
 
Et vous, quelle importance accordez-vous à cette "révélation" ? 

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21 commentaires
  • zephsk
    commentaire modéré Et d'ailleurs, le fait que le film commence et finisse avec Ainsi Parlait Zarathoustra devrait quand même mettre la puce à l'oreille au sujet de la question de l’Éternel Retour et du Surhomme...
    15 juillet 2018 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré @TovarishPior De mon point de vue, HAL cristallise la question de la Raison, c'est-à-dire qu'il permet de répondre au dilemme "ai-je un corps ou suis-je une corps", puis de déterminer si la conscience est le fruit du langage ou du corps (ou des deux). Le film ne répond pas vraiment : soit HAL a acquis une conscience par la complexité de son langage et de ses connaissances (auquel cas la raison est bien le fruit d'un langage) ou bien il est dans l'imitation.
    15 juillet 2018 Voir la discussion...
  • Metaju
    commentaire modéré @zephsk J'ai toujours ressenti que si, il y répondait à cette question. Pas explicitement bien sûr, mais les émotions que me procurent chaque fois la scène de l'exécution de HAL me le disent. Elle est d'une grande tristesse trouvé-je.
    15 juillet 2018 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré @Metaju Oui d'ailleurs je cite souvent cette scène à ceux qui disent Kubrick froid, alors que le mec est quand même capable d'arracher des larmes en humanisant un superordinateur seulement représenté par un œil rouge.
    D'ailleurs mon vrai sentiment à ce propos, c'est que HAL est plus vraisemblablement Kubrick lui-même ou en tout cas un observateur affligé
    15 juillet 2018 Voir la discussion...
  • Limdebois
    commentaire modéré Si Kubrick est malin, c'est justement parce qu'il n'a jamais multiplié ce genre de service après-vente. Douglas Sirk disait dans un doc de Scorsese qu'un bon cinéaste ne forçait jamais l'interprétation, et c'est ce que Kubrick ne fait pas. Si son interprétation vous paraît trop prosaïque, trop simple, normal que vous déçoive un peu, surtout qu'elle fermerait beaucoup de portes, quand justement les chefs-d'œuvre sont censées en ouvrir. C'est l'interprétation de Kubrick (voire de C Clarke), pas celle du film, c'est bien pourquoi rien n'est jamais expliqué. Le surhomme, c'est Kubrick, grâce à son pouvoir de suggestion. Tout le reste est surinterprété, c'en est presque amusant.
    15 juillet 2018 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré @Limdebois Qu'est-ce qui est surinterprété ?
    15 juillet 2018 Voir la discussion...
  • Limdebois
    commentaire modéré Tout ce qui est exprimé en mots, voire en intentions, en concepts, quand tout ce que montre un film n'est, et en particulier plus dans ce film, que suggestif. Tu n'es pas le seul à surinterpréter, quand j'évoque, pour faire simple, les ET, c'est de la même manière de l'interprétation. Jamais il n'est spécifié dans le film qu'il s'agit d'ET, pas plus que des dieux, alors même que Kubrick dans l'interview surinterprète lui aussi, mais il met justement en garde contre les écueils de cette interprétation en tout début. Lui parle, je cite ta traduction de " d'entités semblables à des dieux". Au moins il prend des gants avec "semblables", histoire de ne pas dire que s'en sont, comme plus tard il dira "transformé en une sorte d’être supérieur et renvoyé sur Terre. Il est devenu une sorte de super-héros."... sorte, sorte... Il avance quand même avec pas mal de pincettes et utilise des concepts parfois même un peu contradictoires. Simplement parce que pour lui (peut-être que j'interprète ses intentions mais encore une fois, c'est une constante du génie pour moi, et Sirk l'expliquait très bien) l'interprétation doit être laissé aux spectateurs. C'est là qu'on se trompe presque toujours en imaginer les intentions de tel ou tel auteur, parce qu'eux-mêmes, quand ces intentions nous paraissent évidentes, refusent de les expliciter. Il en dit peut-être beaucoup ici Kubrick mais il avance sur des œufs, et ce qu'il dit ne remet pas en question toutes les autres interprétations, parce que ce qui prime, c'est pas ce qu'en dit l'auteur mais bien le film. Autrement, depuis que Scott a prétendu que Deckard était un réplicant, c'est fini, plus de discussions, ceux pour qui il ne l'était pas refusent de la comprendre, et ceux qui aimaient dans le film justement cette incertitude se tapent la tête contre les mûrs. La surinterprétation,c 'est tout ce qui n'est pas dans le film et qui est laissé à l'imagination du spectateur. Le plus fort, ce que parfois on est certains d'avoir vu ou compris quelque chose qui n'est en fait pas dans le film. L'art et le génie de Kubrick, c'est un art de l'illusion, son but (j'interprète), c'est de nous faire voir et comprendre des choses que lui n'aura pas mis dans son film.
    16 juillet 2018 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré Pour synthétiser : certains surinterprètent et d'autres se contentent d’interpréter. De cette même manière, il y a les bons et les mauvais chasseurs
    16 juillet 2018 Voir la discussion...
  • jared333
    commentaire modéré Je ne veux pas le savoir, j'ai juste le titre de la news...
    21 juillet 2018 Voir la discussion...
  • jared333
    commentaire modéré Tout l'interet de 2001 est justement que chaque indivudu peut le recevoir et l'interpreter differement,et 2001 devien un film tres interessant que lequel on peut debattre car chacun va expliquer sa vision philosphique de la vie pour interpreter cette scene final, c'es pour sa que c'est precieux...On a besoin de mystére
    21 juillet 2018 Voir la discussion...
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