La violence magnifiée

Bonnie and Clyde d'Arthur Penn, un film "furieusement américain"

Dossier | Par Anastasia Levy | Le 4 octobre 2010 à 19h04

Courant majeur dans l'histoire du cinéma américain, le Nouvel Hollywood a marqué les années 70 et profondément renouvelé la manière de faire des films. Nous vous proposons de découvrir les films et les auteurs phares de ce mouvement via une série d'articles détaillés...

Lors d'un dîner à Paris réunissant François Truffaut, Leslie Caron et Warren Beatty, le réalisateur français parle au playboy américain d'un scénario qu'il vient de recevoir : Bonnie and Clyde, écrit par Robert Benton et David Newman. Les deux auteurs, grands fans de Truffaut, voient en ce mythe des braqueurs de banque une histoire contemporaine : "Ce qui nous touchait chez eux, c'était leur esthétique de la révolution", explique Newman. "La façon dont ils remettaient en cause l'ordre établi. Ce qui les a tués, c'était moins le fait d'avoir enfreint la loi que d'avoir exhibé ces tatouages qui choquaient leurs parents. C'était totalement d'actualité". "Tout ce qui choquait les bourgeois était in", ajoute-t-il.


we rob banks! extrait de Bonnie and Clyde

Ce sont les scénaristes qui proposent à Beatty d'embarquer Arthur Penn à la réalisation. Ce dernier vit reclus, la quarantaine passée, dégoûté par Hollywood après la reprise par des monteurs de studios du Gaucher et de La Poursuite impitoyable, sur lesquels il n'a eu aucun pouvoir et dont il a appris la sortie sur des affiches publicitaires. Pas ébloui par le scénario, il voit néanmoins dans la proposition de Beatty l'occasion de se faire, enfin, un nom.

A l'époque, Jack Warner (président des studios du même nom) considère Warren Beatty comme un beau gosse qui gâche sa carrière avec des films intellos et ennuyeux. Beatty ne se gêne pas pour dire tout le mal des scénarios insipides que le studio lui propose, et Warner le déteste. L'acteur lui aurait pourtant littéralement léché les bottes pour que le producteur accepte de financer Bonnie and Clyde (anecdote rapportée par plusieurs personnes mais démentie par Beatty). Après avoir accepté de n'être payé qu'en pourcentage de recettes, l'acteur/producteur obtient de la Warner de faire le film, pour un budget modeste.

Le tournage est chaotique. Beatty impose de le faire au Texas pour ne pas avoir la Warner sur le dos, mais il se dispute à propos de chaque scène avec Arthur Penn. Quand il ne reçoit pas de visite féminine dans sa caravane, plusieurs fois par jour. Mais ils tombent d'accord sur un point : la violence doit être réelle. Pour la première fois, des gens sont tués dans le même cadrage que ceux qui tirent. Arthur Penn impose ensuite ce ralenti sur les deux héros criblés de balle. La violence est magnifiée.


Coucou, tu veux voir mon gun ? extrait de Bonnie and Clyde

A sa première vision du film, Jack Warner ne trouve rien d'autre à dire que :"Ce sont les 2h10 les plus longues de ma vie! Un film pendant lequel on va pisser plus de trois fois, j'ai jamais vu ça!". Warner était connu pour ses problèmes de prostate. Le film est sorti par le chargé de distribution qui ne l'a pas vu dans un drive-in du Texas, fin septembre. Entre temps, Jack Warner a revendu ses parts de la société, et un responsable de bandes-annonces appelle Lederer, chargé de marketing à la Warner, pour lui dire tout le bien qu'il pense du film.

Lederer organise une nouvelle projection, adorée cette fois-ci. Le film obtient, de projection en projection, de plus en plus de succès et gagne à chaque fois une plus grande distribution. Au festival du film de Montréal, les acteurs sont rappelés 14 fois par le public qui leur offre une standing ovation. Mais Bosley Crowther, critique du New-York Times extrêmement influent, qualifie le film de "comique bas-de-gamme qui traite de la déchéance de ce couple débile et sordide". Il obtient des mauvaises critiques partout. Il faudra attendre qu'une jeune critique, Pauline Kael prenne sa défense en 9000 mots dans le New-Yorker pour débloquer les choses. "Bonnie and Clyde est le film américain le plus furieusement américain depuis Un crime dans la tête.

Et le public va s'en rendre compte". Il s'en rend d'abord compte à Londres, où le film est un immense succès, avant de revenir aux Etats-Unis, programmé non plus dans 25 salles mais dans 340.

(Principalement basé sur le livre de Peter Biskind, "Le Nouvel Hollywood").

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4 commentaires
  • Arch_Stanton
    commentaire modéré Y a-t-il eu en 105 ans de cinéma, actrice plus belle que Faye Dunaway dans "Bonnie and Clyde" ?! Peut-être Audrey Hepburn dans "Charade" ...
    10 octobre 2010 Voir la discussion...
  • Arch_Stanton
    commentaire modéré Y a-t-il eu en 105 ans de cinéma, actrice plus belle que Faye Dunaway dans "Bonnie and Clyde" ?! Peut-être Audrey Hepburn dans "Charade" ...
    10 octobre 2010 Voir la discussion...
  • Arch_Stanton
    commentaire modéré Y a-t-il eu en 105 ans de cinéma, actrice plus belle que Faye Dunaway dans "Bonnie and Clyde" ?! Peut-être Audrey Hepburn dans "Charade" ...
    10 octobre 2010 Voir la discussion...
  • Arch_Stanton
    commentaire modéré Y a-t-il eu en 105 ans de cinéma, actrice plus belle que Faye Dunaway dans "Bonnie and Clyde" ?! Peut-être Audrey Hepburn dans "Charade" ...
    10 octobre 2010 Voir la discussion...
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