Mike Leigh nous impressionne ... ou pas

Cannes 2014 - Mr Turner, se faire une toile.

Par Joseph Boinay | Le 16 mai 2014 à 15h10

Si Mike Leigh n'évite pas toujours le théâtre filmé, l'académisme et les longueurs, il livre un tableau finalement assez remarquable. Une évocation du long crépuscule de la vie du peintre, qui refuse l'anecdote et l'hagiographie.

A posteriori, la réalisation de ce biopic par Mike Leigh paraît une évidence.

On connaît le goût du réalisateur pour les portraits aux vitriol et son passé de metteur en scène de théâtre colle ici parfaitement à la reconstitution historique. A l'image des compositions du maître, l'œuvre de Leigh procède par petites touches sombres, brumeuses, traversées d'éclairs déchirants.

Le film débute 25 ans avant la mort du peintre, occasion de restituer son long et lent mais inévitable déclin. La gloire est passée et, même si Turner est encore auréolé de son statut de génie, il commence à montrer des signes de faiblesses. Dans les salons, on le traite ici avec mépris, là avec la condescendance de rigueur dans ce monde sans pitié. Il n'en a cure.

Pour autant, Leigh ne cherche pas non plus à prendre la défense de son personnage et dans un parallèle un peu grossier, le renvoie à son caractère très animal, tout en touches porcines.

Croqué comme un vieil enfant mal élevé, frustre, presque mutique, ayant totalement délaissé sa famille, Turner s'exprime essentiellement par grognements et jets lapidaires, sûr de son talent.
Les critiques de l'époque et autres professionnels ne sont pas en reste : tous sont fats et même ceux qui consacrent le peintre sont renvoyés à leur prétentions crasses.

Le biopic est surtout le prétexte idéal pour livrer une vision désespérée de l'existence, traversée de quelques éclairs fantastiques, tels que Turner a pu les peindre.

Timothy Spall, tout en grognements porcins, brille pourtant de mille feux et arrive même, dans les moments de tristesse, à entraîner une forme de sympathie. Celle qu'on peut avoir pour la bête immonde, parfois déchirée par la grâce et qui court comme nous tous à l'abattoir.
Car après tout, qu'il soit d'ailleurs peintre ou critique, l'homme est un porc comme les autres.

Métaphore du verre à moitié vide ou à moitié plein, Turner essaie de nous dire que le soleil qui s'écrase dans la mer à l'horizon, on peut y voir une aube ou un crépuscule. Mais au bout, de toute façon, il y a la nuit. 

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4 commentaires
  • itachi
    commentaire modéré @zephsk : ces allusions porcines me semblent faire échos à vos soirées cannoises de cochons ;)
    16 mai 2014 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré On ne peut rien te cacher.
    16 mai 2014 Voir la discussion...
  • TheFabest
    commentaire modéré La photographie du film rend elle hommage aux œuvres de Turner ? (comme semble le faire la mise en scène)
    16 mai 2014 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré @TheFabest Par moments oui, mais l'aspect pictural est secondaire.
    17 mai 2014 Voir la discussion...
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