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Ces acteurs restés des étoiles filantes au lieu de devenir des stars

Dossier | Par Johanna Ruiz | Le 10 avril 2015 à 14h56
Tags : Acteurs, stars

Les acteurs étoiles filantes, comme leur nom l’indique, sont voués à briller très intensément et à s’éteindre aussitôt… On avait déjà évoqué sur Vodkaster ces acteurs qui ont un rôle qui leur colle à la peau, tant il est impossible pour eux de s’en défaire par la suite. Mais la cruelle industrie du cinéma accouche aussi de ces acteurs éphémères, qui ont ébloui dans un rôle inoubliable, avant de disparaitre définitivement dans la nuit éternelle. Les histoires de ces acteurs ont certains points communs, qui peuvent expliquer leur succès fugitif et néanmoins saisissant. Qui sont-ils, que sont-ils devenus, et surtout : est-ce leur personnage qui les a poussés vers la sortie ?

Jouer dans un film et ne plus jamais réapparaître par la suite, cela peut sembler anodin pour le spectateur: aucune raison de regretter un comédien qui ne nous a pas épatés ou simplement marqués, encore moins de s'interroger sur les raisons de sa disparition. C’est plus surprenant en revanche lorsqu'un acteur tient le rôle principal, ou tout au moins un rôle essentiel, imprégnant le film de son aura et de sa présence. Mais les acteurs morts-nés existent bien. On peut même en dresser une typologie.

L’enfant qui n’a jamais grandi à l’écran

Ils sont nombreux les enfants à avoir crevé l'écran, avant de quitter l’industrie du cinéma plus tôt que prévu, comme si le succès avait brûlé leurs ailes. Parmi eux, on compte beaucoup de petits acteurs retournés à leur vie ordinaire sans demander leur reste. Grandir change radicalement la donne et avoir eu du succès enfant ne garantit en rien de faire une carrière d’acteur par la suite...

Carrie Henn, vue dans Aliens, le retour de James Cameron, est une parfaite étoile filante du cinéma. En enfant devenue sauvage et souffrant de stress post-traumatique à force de devoir échapper aux créatures extraterrestres, elle porte le film aux côtés de Sigourney Weaver. Et pourtant, Carrie Henn est aujourd’hui professeur. Elle n’est jamais retournée sous le feu des projecteurs, affirmant très tôt dans de nombreuses interviews, réalisées à la suite d'Aliens, son intention de ne plus jouer parce qu'elle ne voulait plus s'éloigner de sa famille. Malgré ça, on ne pourra jamais oublier le visage innocent et farouche de cette enfant culte du cinéma. 

Parmi les enfants ayant joué un rôle mémorable, on ne peut faire l’impasse sur Danny Lloyd, le remarquable Danny Torrance de Shining, arpentant les couloirs labyrinthiques de l'hotel Overlook à bord de son tricycle, s'adressant à son petit doigt Tony, ami imaginaire annonciateur d'un avenir funeste. Danny Lloyd avait été choisi pour ses étonnantes capacités de concentration. Sous la direction de Stanley Kubrick, il livre une prestation stupéfiante pour son jeune âge, d'autant plus qu'il n'avait pas la moindre idée de jouer dans un film d'horreur. Danny Lloyd est aujourd'hui professeur de biologie et scientifique à l'université des sciences du Missouri. Il n'est jamais réapparu au cinéma. Pour le spectateur, il s’est évanoui aux abords de l’hôtel Overlook, s’enfuyant dans la neige au côté de Shelley Duvall. Danny Lloyd a tout simplement déclaré très tôt qu'il préférait mener une vie normale et profiter de son enfance plutôt que des paillettes.

Peter Ostrum, l’acteur de la première version de Charlie et la chocolaterie, bien avant celle de Tim Burton, avait beau être brillant du haut de ses 14 ans, lui aussi a définitivement quitté le cinéma après son premier essai. Il n’a que ce seul film à son actif et est aujourd’hui vétérinaire. Peter Ostrum explique en interview que, malgré une proposition de signer un contrat pour trois autres films avec Warner Bros, il avait préféré priviliégier la médecine vétérinaire, à laquelle il avait commencé à s'intéresser pendant le tournage de Charlie et la chocolaterie : "Je chérirai toujours mes souvenirs d'avoir fait ce film, mais je sens que c'est en devenant vétérinaire que j'ai gagné le billet d'or". 

L’éphèbe, objet de fascination

Les enfants ne sont pas les seuls à faire une apparition éclair au cinéma. Certains adolescents, dont le rôle repose sur le désir qu’ils attisent et le fétichisme qu’ils inspirent, sont retournés à l’anonymat le plus total. Parmi les plus connus et les plus hypnotiques, Bjorn Andresen, jeune acteur suédois incarnant le troublant Tadzio dans l’adaptation du roman de Thomas Mann par Luchino Visconti, Mort à Venise. Tadzio est spécifiquement une figure de désir douloureux, qui fait tourner la tête par sa beauté parfaite et inaccessible, arachnéenne, à un compositeur de musique, Gustav von Aschenbach, venu chercher la quiétude à Venise pour n'y trouver finalement que le tourment. Bjorn Andresen a marqué les esprits, par son androgynie et sa beauté cruelle, qui conduisent à la mort du compositeur. 

Des personnages éphèbes qui n’existent que par leur corps et leur aura, se retrouvent aussi chez Gus Van Sant. Adolescents ou jeunes hommes, ils sont souvent amateurs, sinon des acteurs inconnus au bataillon, mais toujours des figures sensuelles : Tim Streeter de Mala noche, jeune prostitué dont va tomber amoureux fou le personnage principal ; Gabriel Nevins de Paranoid park, acteur amateur sélectionné grâce une annonce de casting postée sur Myspace ; la plupart des acteurs de Elephant. Concernant Nevins, Gus Van Sant cherchait un vrai lycéen pour retranscrire l’essence de l'adolescence, non pas un acteur qui rejouerait cet état, et même si le jeune homme n’est pas à proprement parler une figure de désir dans le film, il est malgré tout fétichisé. Son corps et son visage composent la matière du film, entièrement concentré sur ses impressions sensorielles. 

Larry Clark n’hésite pas non plus à faire tourner de jeunes amateurs, plus objets de fascinations et corps, que réellement acteurs. Jonathan Velasquez par exemple, héros de Wassup Rockers, adolescent latino et skateur, n’a tourné que très rarement et a incarné à chaque fois un personnage aux résonances autobiographiques. Dans Wassup Rockers, il porte le même nom que son personnage. Il fait également l’objet d’un court documentaire éponyme, réalisé en 2013 par Larry Clark qui semble clairement subjugué par son jeune héros. Considérant que Jonathan Velasquez incarne toujours des rôles où la limite entre réalité et fiction n'est pas clairement définie, celui-ci est à cheval sur deux catégories qui justifient cette notion d'acteur "à usage unique" ; à la fois objet de fascination du cinéaste et acteur assigné à son propre rôle. 

Les acteurs qui jouent leur propre rôle

D’autres films n’exploitent pas seulement la frontière ténue entre réalité et fiction, mais font nettement jouer leur propre rôle à leur personnage. C’est le cas d’Angélique Litzenburger dans Party Girl, une fiction basée sur l’histoire vraie d’une entraîneuse de cabaret. Il est peu probable qu'on retrouve Angélique Litzenburger un jour à l'écran, l’actrice éphémère étant entièrement dévouée à sa propre histoire. Dans le film et dans la vie, elle est Angélique, comment pourrait-il en être autrement ? 

Ellar Coltrane, l'acteur principal de Boyhood, âgé de 6 ans au début du tournage, et de 19 ans à la fin, est dans le même cas. Richard Linklater a filmé ses acteurs vivre et vieillir pendant 12 ans, pour une expérience de cinéma inédite et intense, défiant le temps et brouillant la frontière entre le cinéma et la vie. Pour tout un chacun, Ellar Coltrane est Mason, et il a lui même eu douze longues années pour s'en convaincre. 

On remarque également que les jeunes acteurs de Gran Torino, Bee Vang et Ahney Her, ne sont jamais réapparus à l’écran après avoir tourné sous la direction de Clint Eastwood. Ils appartiennent à la communauté Hmong, peuple d’asie des montagnes, dépeinte dans le film. La résonance autobiographique évidente laisse à penser que ces acteurs ont été choisis pour leur seule origine, toujours dans l’idée d’être fidèle à la réalité, et ce même à travers la fiction. Faudra-t-il qu'un autre film s'intéresse à la communauté Hmong pour voir à nouveau ces acteurs ? Sont-ils si marginaux qu'ils ne peuvent être acteurs que pour répondre aux besoins ethniques d'un casting ?

Carrière gâchée ou temps suspendu ?

Il existe enfin un dernier acteur disparu, plus qu'une étoile filante, qui a tout bonnement vu sa carrière gâchée. Jaye Davidson, interpête de Dil dans The Crying Game, dont on ne sait pas s'il est un homme ou une femme. Alors qu'il lui a valu une nomination à l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle en 1993, ce rôle transgenre semble avoir plombé sa carrière naissante. Stephen Rea, interprète de Fergus, le personnage fasciné par Dil dans le film et avec qui il aura une histoire d'amour, raconte dans une interview pour le New York Magazine que Jaye Dadison s'est probablement demandé pourquoi il avait joué un tel rôle : "J'ai pensé que sa carrière pouvait certainement décoller parce que son personnage était extraordinaire et que le monde était prêt pour la sexualité ambigüe ou les exprériences transgenres. Mais peut-être que lui ne voulait pas ça". Jaye Davidson a depuis longtemps quitté la sphère médiatique. Il est revenu à ses premières amours, la mode, après avoir néanmoins tenu le rôle du dieu Râ (autre personnge à l'identité sexuelle trouble) dans Stargate, la porte des étoiles. Une porte des étoiles qui s'est justement refermée sur lui, irrémédiablement. 

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