Shalimar rien

Une pub huée dans les salles de cinéma : Shalimar ou le parfum de l'infamie

Dossier | Par David Honnorat | Le 25 septembre 2013 à 16h44

Difficile de l'éviter quand on va régulièrement au cinéma, la nouvelle pub du parfum Shalimar de Guerlain exaspère les cinéphiles...

La scène a lieu tous les jours, à chaque séance. La mannequin Natalia Vodianova s'éveille dans une lumière évanescente tandis que, dans la salle, les sièges et les dents commencent à grincer. Les spectateurs assidus qui se sont déjà maintes fois infligé le supplice redoutent le coup fourré dès que les lumières commencent à baisser, signe de l'emplacement préférentiel dédié au spot, juste avant le film.

Et puis le machin dure, étalant grossièrement son esthétique de grand magasin pour nous raconter... quoi ? Pas grand chose. 5 minutes 45 plus tard, le truc s'achève enfin et la salle soupire et parfois siffle. On entend quelques rires gras et des «Tout ça pour ça !» avant que, tant bien que mal, le public rassemble ses esprits pour ce qu'il était venu voir initialement : un film de cinéma.

On retrouve sans trop de mal sur twitter les violents cris du coeur de cinéphiles agacés :

Je dois d'ailleurs avouer à ce stade ne pas avoir été le dernier à cracher moi aussi ma bile :

Mais que peut bien avoir de si spécial ce « court-métrage », comme ont convenu de l'appeler les spécialistes, pour provoquer une telle exaspération ?

Sa longueur d'abord, qui énerve tout le monde mais aussi en particulier les distributeurs de films qui se refusent de tels excès pour les bandes-annonces, mais aussi son emplacement, préférentiel donc (c'est à dire avant le film, lumières éteintes), habituellement réservé aux bandes-annonces justement. On ne s'attardera pas sur ce que le clip a de sexiste ou de raciste (c'est aussi ça l'esprit Guerlain) tant c'est un lieu commun quand il s'agit de parler de publicité, car ce que révèle ce virulent rejet est plus profond.

Car dans l'érection spontanée d'un Taj Mahal en toc, c'est le cinéma qu'on assassine. En premier lieu, la publicité a engagé un budget de production de 4 millions d'euros, ce qui signifie que si vous la voyez en ce moment avant Miele, La Bataille de Solférino ou Alabama Monroe, le film pour lequel vous avez payé votre place aura coûté (beaucoup) moins cher. Evidemment la pub rapporte in fine de l'argent à la filière ou en tous cas aux salles qui la diffusent, mais le préjudice est plus insidieux. En effet, La Légende de Shalimar (oui pardon, le «court-métrage» a un titre) contribue encore un peu plus à démystifier le cinéma en nourrissant le cynisme du spectateur. Non, définitivement, les films de Terrence Malick ne ressemblent pas à des pubs pour le parfum, ce sont ces images creuses et sinistres qui s'évertuent, à coups de millions et de couchers de soleil, à ressembler à des films de Terrence Malick. Si enfin on hésite à pardonner à Hans Zimmer de s'être ainsi compromis en signant la musique, on le remerciera de n'avoir fait que céder les droits du morceau Chevaliers De Sangreal jusque là associé à la BO d'un des pires navets de sa filmographie (Da Vinci Code), évitant ainsi de souiller le souvenir de La Ligne rouge, Thelma et Louise ou Inception.

Et avec tout ça, mine de rien, l'envie d'aller au cinéma s'estompe un peu, comme les effluves imaginaires, pornos et même pas chics, de ce parfum hideux.

Si par pur masochisme vous souhaitiez vous l'imposer, la «Légende» est aussi à portée de clic...

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204 commentaires
  • Michel_XL
    commentaire modéré D'ailleurs - noël approchant - le combo Dior/Pattinson et Lancôme/Roberts, les deux en version longue, a tendance a également me gonfler. Quand en plus ils osent appeler ça "film"...
    17 décembre 2013 Voir la discussion...
  • Timekeeper
    commentaire modéré Oh, la Lancôme avec carrément sont générique qui défile à la fin ! Une honte !
    18 décembre 2013 Voir la discussion...
  • Michel_XL
    commentaire modéré @Timekeeper ouai absolument honteux c'est vrai. De toute façon, depuis les tontons flingueurs on sait que les cons ça ose tout...
    18 décembre 2013 Voir la discussion...
  • hooka
    commentaire modéré Quand arreteront-t-il les pubs de luxe avant les films ? Ce n'est pas le public d'UGC les Halles qui va acheter une veste Chanel...
    15 janvier 2014 Voir la discussion...
  • Timekeeper
    commentaire modéré Les produits derrivés mon bon ami. Déjà tu n'y verras jamais une pub pour une veste Chanel, mais pour un parfum. Ensuite, si après tu vas en boutique ou sur leur site, et que tu ne repars qu'avec une ceinture Chanel ou une pochette Chanel, c'est déjà gagné.
    Les grandes marques du luxe ont développé les produits derrivés ces quinze dernières années et font exploser leurs bénéfices avec. Maintenant tout le monde peut s'acheter du Dior ou du Vuiton. Et tant pis si contrairement aux vestes ces articles ne sont pas manufacturés en France mais fabriqués à la chaîne par les mêmes petits Asiatiques qui fabriquent pour Camaïeu ou Celio : ça joui de la même image de luxe que les robes tout en étant vendu bien plus cher qu'une ceinture Camaïeu. Mais mille fois moins cher qu'une robe sur mesure que madame Michu n'aurait pas pu s'acheter alors que lâ c'est juste deux mois d'économies. Au final tout le monde est content. Sauf les cinéphiles, qui n'aiment pas non-plus madame Michu car elle prend du popcorn.
    15 janvier 2014 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré Oui, Madame Michu dans un camp.
    15 janvier 2014 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré Avec tout ses coreligionnaires.
    15 janvier 2014 Voir la discussion...
  • hooka
    commentaire modéré @Timekeeper Oui, je m'en doutais un peu. Mais les publicités à la télévision choisisse leur public (la pub Dior sera avant Le grand journal par exemple, lorsque la pub d'assurance retraite sera pour Questions pour un Champion). Il n'y a pas le même travail de ciblage pour le cinéma, c'est étrange...
    15 janvier 2014 Voir la discussion...
  • hooka
    commentaire modéré Mais les pubs de luxe ne vendent jamais un produit, juste une représentation, un fantasme que l'on doit lier à la marque. J'ai quand même du mal à croire qu'une séance de White House Down convienne à ce fantasme.
    15 janvier 2014 Voir la discussion...
  • riadhkrir
    commentaire modéré @BloodCritic Oui j'ai beaucoup ris aussi!
    5 mai 2014 Voir la discussion...
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