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Deauville Asie 2012 : Compte rendu du festival

Festival / Récompenses | Par Julien Di Giacomo | Le 13 mars 2012 à 15h29
Tags : Asie, Deauville

Du 7 au 11 mars se tenait à Deauville le 14e Festival du Film Asiatique. Si vous n'y étiez pas, voilà un bref retour sur les points forts et les points morts de la chose.

Un jour je serai photoreporter

Difficile de faire le plein

Pour ces visiteurs occasionnels que sont les festivaliers, Deauville donne l'impression d'être une ville riche mais déserte, appartenant presqu'intégralement à la famille Barrière (une rue, une avenue, un casino et 3 hôtels, tout de même) et fière de sa passion pour les chevaux. Drôle d'endroit pour accueillir des films asiatiques... mais après tout, pourquoi pas ? Dans les files d'attente, on peut entendre des habitués évoquer le fait que le festival ait perdu une salle par rapport à l'année dernière et, une fois à l'intérieur des lieux de projections (l'immense auditorium du Centre International et le plus modeste cinéma du Casino), on constate effectivement que les sièges ne sont jamais tous pris. Après une observation étalée sur une bonne vingtaine de séances, on peut décemment conjecturer qu'à aucun moment le festival n'a affiché complet. Peut-être faut-il chercher les causes de cette (relative) désaffection dans le manque de vraies têtes d'affiches. Kiyoshi Kurosawa est génial, mais son (pré)nom est toujours moins connu que ceux de Takeshi Kitano, Wong Kar-wai ou Johnnie To (et encore, pas dit qu'eux non plus puissent déplacer les foules). C'est là tout le paradoxe, pourtant : le Festival de Deauville est un rendez-vous intéressant parce qu'il donne à voir, à quelques exceptions près, un cinéma moins exporté et moins exportable que celui qui nous vient généralement d'Asie, mais c'est également ce qui limite son pouvoir d'attraction. Tout ceci en dépit de gros efforts de communication qui rendent la présence du Festival absolument impossible à ignorer pour quiconque habite Deauville ou ne ferait même qu'y passer.


Coucou, c'est moi le gentil fantôme, extrait de Kairo

Géopolitique et jury atypique

C'est le maire lui-même, d'ailleurs, qui se charge de l'ouverture de la chose, vantant les mérites de sa « ville de cinéma » et rappelant la diversité « non pas du cinéma asiatique » mais « des cinémas asiatiques », histoire de nous inviter à bien noter la présence cette année de 2 films iraniens en compétition. Car quand on parle de l'Asie, on a trop souvent tendance à oublier que le Moyen-Orient, la Russie ou l'Inde font partie du continent, et qui se dit fan de cinéma asiatique aura rarement en tête son amour pour les musicaux de Bollywood ou les films de Jafar Panahi. Ainsi, si la programmation reste à une écrasante majorité en provenance d'Asie de l'Est, c'est tout de même un film iranien que choisira de récompenser le jury. Ce jury d'ailleurs, peut être le sujet de nombreuses interrogations tant on se demande parfois où l'organisation du festival a été pécher certains de ses membres : si Jean-Pierre Limosin et Elia Suleiman ont évidemment beaucoup de légitimité, la présence de Corinne Masiero, Jacques Martineau, Isild le Besco, Gilles Taurand et Tahar Rahim (même si on l'aime et qu'il a tourné avec Lou Ye) ont de quoi faire dresser quelques sourcils suspicieux. Sa récompense attribuée à Mourning, pourtant, prouve d'une certaine manière son exigence et sa volonté de mettre en valeur un cinéma aride et hors des normes (quoi que chiant).

The Sun-Beaten Path, le road movie pédestre tibétain qui s'est chargé d'ouvrir la compétition donna le ton de ce qui le suivrait : du cinéma fauché, indépendant, sous-représenté, qui donne de la production de son pays une image inattendue. Mais c'est surtout un cinéma vivace, plein d'idées et débordant d'âme, qui transcende sa pauvreté économique par une jeunesse à toute épreuve (si vous en avez marre des blockbusters, une cure de Deauville devrait vous faire beaucoup de bien). Et si des enfants ou des bébés jouent des rôles importants dans 6 des 9 films en compétition, il ne faut donc pas tant y voir une coïncidence qu'un geste symbolique fort. Ils décident de la vie et de la mort des adultes dans Saya Zamurai, apprennent à connaître leur pays dans 11 Flowers, sourient en toutes circonstances dans Beautiful Miss Jin ou sont un précieux fardeau dans Mourning ou Death is my Profession...

Action !

Bon, après, on ne va pas se voiler la face : les acteurs asiatiques les plus connus à l'étranger sont Bruce Lee, Jet Li ou Donnie Yen, sont des artistes reconnus avant tout pour leurs prodigieuses scènes d'action, aux corps desquels des générations entières vouent des cultes sans limites. Vu de France, la grande spécialité du cinéma asiatique, outre le gore et l'animation, c'est bien sûr les arts martiaux. Et puisqu'il faut bien se détendre un peu une fois de temps en temps, la compétition parallèle Action Asia, savamment intercalée au milieu des autres films concourant pour le Lotus, est là pour nous offrir un souffle d'air frais une fois de temps en temps. Un jury pas vraiment expert composé notamment d'Arié Elmaleh, d'Isabelle Nanty et de Bruno Wolkowitch choisira au bout du compte de récompenser Wu Xia, sorte de Sherlock Holmes bien polissé, au lieu du plus passionnant The Sword Identity ou du plus percutant The Raid, applaudi à chaque combat pendant sa projection.

Le Festival de Deauville s'acheva le 11 mars, date qui se trouve aussi être celle de la commémoration de l'incident de Fukushima, un évènement tragique qui fut rappelé en ouverture et en clôture par le président, et qu'on pouvait trouver abordé à l'écran par le percutant Himizu, de Sono Sion, d'ailleurs récompensé du Prix de la Critique. Et en ce sens, la rétrospective consacrée à Kiyoshi Kurosawa qui, s'il n'a pas encore abordé frontalement le 11 mars dans son oeuvre, a déjà peint assez de fois le chaos, la destruction et la folie des hommes dans son cinéma, propose une mise en parallèle souvent pertinente. Au bout de 5 jours de festival, tout de même, c'est encore et toujours la question de la faible représentation du cinéma asiatique en France qui demeure : plus de la moitié des films projetés à Deauville n'auront jamais de date de sortie chez nous, et les autres seront cantonnées à quelques rares copies éphémères. Triste constat pour un cinéma qui a pourtant beaucoup à dire et à offrir, mais plutôt que de se lamenter : il faudra aller à Deauville l'année prochaine !

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1 commentaire
  • hugo
    commentaire modéré Il faut arrêter avec ton « presqu' », on t'a déjà dit que ça existait pas.

    Je boycotte la suite de l'article pour la peine.
    13 mars 2012 Voir la discussion...
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