A consommer sans modération

Douze films de Cannes 2016 résumés en cocktails

Festival / Récompenses | Par David Honnorat, Chris Beney, Rami Laabi | Le 23 mai 2016 à 18h00

Le 69ème Festival de Cannes est terminé, mais nous n’allions pas nous quitter sans un dernier verre. Ou plutôt sans douze derniers verres, autant que de jours de festival, car il faut au moins ça pour se faire à l’idée que la Palme d’Or est allée à Moi, Daniel Blake plutôt qu’à Julieta, Toni Erdmann, Baccalauréat, Juste la fin du monde, American Honey, Sieranevada ou La Fille inconnue… Regardez notre carte des cocktails, vous en trouverez pour tous les goûts : de la grosse boisson texane qui tache, du sirop pour la toux, du nectar aphrodisiaque, du mélange parfait pour les « connoisseurs », etc.

Mademoiselle de Park Chan-wook

Hautement aphrodisiaque ! Mademoiselle, c’est l'équivalent d'un mix de gingembre, d'huîtres, de chocolat, de bois bandé, de piment et de testicules de raton-laveur. En films, ça donne du Sexcrimes pour l’intrigue alambiquée et les associations changeantes de malfaiteurs, du Lust, Caution pour la trahison et la luxure asiatique, et un peu de Lunes de fiel pour les jeux pervers. Nuit agitée en perspective.

Personal Shopper d'Olivier Assayas

Très distingué et sophistiqué. De La Fille seule pour le cinéma français et l’héroïne de tous les plans, un côté « fusion new food » avec la saveur nippone de Vers l’autre rive pour la communication avec les morts, et du clinquant avec l’équivalent d’un shot de Bling Ring. A boire dans quelques arrondissements parisiens ; ailleurs, ça n’aurait pas le même effet.

Baccalauréat de Cristian Mungiu

Le style de Cristian Mungiu n’appartient qu’à lui, mais ça n’empêche pas Baccalauréat d’avoir un petit goût de Haneke (Caché ; le harcèlement bizarre dont le héros est victime), de Farhadi (Le passé ; la réconciliation est aussi un enjeu du film) et de Nuri Bilge Ceylan (Il était une fois en Anatolie et sa bureaucratie). Pour donner un peu de couleur locale, une pointe de Porumboiu suffit. Ca reste rêche, sauf pour les vrais « connoisseurs » qui seront extatiques.

Le Client d'Asghar Farhadi

Au cœur d’Une séparation se trouvait une scène primordiale, escamotée volontairement par le montage, histoire que l’on se demande ensuite pendant tout le film ce qui avait bien pu se passer. Même recette pour Le Client, à laquelle on ajoute au shaker une dose de Mort d’un commis voyageur (les héros de Farhadi sont des comédiens qui répètent la pièce d’Arthur Miller), avant d’enflammer le verre avec une minuscule pointe de soufre, de la justice personnelle - rien que ça - digne d’Un Justicier dans la ville. Ne vous étonnez pas si ce n’est pas au goût de tous vos convives.

Juste la fin du monde de Xavier Dolan

Attention, boisson aux effets imprévisibles. Pas sûr que les amateurs des autres nectars dolaniens apprécient, pas sûr non plus que les contempteurs habituels détestent. D’abord une rasade de Petits mouchoirs, acheté en supermarché (prenez une marque distributeur), à verser en même temps qu’Un air de famille, histoire de brouiller d’emblée les saveurs. A rehausser avec du N’oublie pas que tu vas mourir, parce que cette boisson sert aussi bien pour les retrouvailles que pour les enterrements. A prendre cul-sec en écoutant O-Zone.

La Fille inconnue de Luc et Jean-Pierre Dardenne

Ca ne vous attirera pas forcément, mais le nouveau Dardenne a d’abord un goût de médicament. Vous pourriez prendre du sirop pour la toux mais on vous conseille plutôt de mettre un fond de Maladie de Sachs, une cuillère de Hippocrate, et de relevez avec l’acidulé d’une rasade de Pauline détective. A boire avec une gauffre.

Ma Loute de Bruno Dumont

Boisson traîtresse. On enchaîne les verres comme des bonbons, mais attention à la gueule de bois. C’est le Nord, comme disait l’autre, alors il faut marquer ça avec du Bienvenue chez les Ch’tis. N’ayez pas peur d’en mettre parce que les autres ingrédients sont à ajouter en toute petite quantité : du Kusturica pour l’excentricité et la magie inattendue, et du Cannibal Holocaust, qui donnera au cocktail l’onctuosité du sang qui coule pas mal dans le film. Le résultat est épais.

American Honey d'Andrea Arnold

C’est le nouveau pastis, la boisson des prolos au goût des hipsters. Il est question de VRP, mieux vaut donc partir sur une base des Portes de la gloire, avant de mettre des couleurs et du chahut dans les papilles avec du YOLO façon Spring Breakers et de la redécouverte de l’Amérique avec Le Nouveau monde. Boisson clivante : les vieux de la veille seront écoeurés, la jeunesse va s’éclater. 

The Last Face de Sean Penn

A servir pour mettre un terme à la fête et faire fuir vos invités. The Search pour la maladresse, l’humanitaire, la guerre et l’occident en sauveur (et aussi pour le tournage d'un réalisateur avec sa compagne du moment) ; Grey’s Anatomy pour les mamours entre médecins pendant que des amputés attendent de se faire opérer ; et Les Dieux sont tombés sur la tête pour le LOL africain. A boire dans une écuelle aux rebords tranchants, c’est encore plus rigolo.

Comancheria de David MacKenzie (Un Certain Regard)

C’est une boisson d’hommes mal rasés et qui sentent des pieds. Ca sent le musc et la poussière, on y met alcool fort sur alcool fort : du Bonnie and Clyde pour les braquages et la cavale criminelle, du Unstoppable pour le gros fond social et pour Chris Pine, et du Walker, Texas Ranger pour le Texas et le ranger, en veillant bien à remplir le verre jusqu’au bord. A boire immédiatement et sans réfléchir, quitte à s’en renverser sur la chemise.

Voir du pays de Delphine et Muriel Coulin (Un Certain Regard)

Une boisson pour les femmes qui ont du clito, comme le dit la réalisatrice de Divines, Caméra d’Or 2016. Versez la même quantité de Combattants et de Bronzés pour avoir un parfait équilibre entre garnison et club de vacances. Mélangez au shaker, avec énergie, et ajoutez des paillettes synthétiques de Second Life, parce que les héroïnes de Voir du pays débriefent leur mission grâce à la réalité virtuelle. Ca scintille, mais ce n’est pas inoffensif pour autant.

Tour de France de Rachid Djaïdani (Quinzaine des Réalisateurs)

Une association des contraires dont le résultat sera diversement perçu… Des Anges gardiens parce qu’on est là pour rigoler et que Depardieu est dans la place, du Western, mais attention celui de Manuel Poirier, pour le road movie au pays d’Astérix, et de La Vache pour le trait d’union culturel entre un héros d’origine maghrébine et un animal imposant. 

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4 commentaires
  • Sleeper
    commentaire modéré pour moi ce sera un mademoiselle avec deux pailles svp
    23 mai 2016 Voir la discussion...
  • Cine7Inne
    commentaire modéré Sympa, sauf que pour Le Nouveau Monde tu nous vend un cru de 1977, moi je dis qu'il y a tromperie sur le nectar ^^
    23 mai 2016 Voir la discussion...
  • N
    commentaire modéré Le cocktail de Juste la Fin du Monde ne me rend que plus sceptique... Le grand prix a-t-il vraiment été décerné à une telle déception ?
    24 mai 2016 Voir la discussion...
  • Creep
    commentaire modéré "auant que de jours de festival"
    25 mai 2016 Voir la discussion...
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