Vaut-il mieux en avoir ou pas ? La réponse est pas

Knock Knock, Green Inferno : les hommes crient-ils plus fort que les femmes ?

Dossier | Par William Le Personnic | Le 1 octobre 2015 à 10h30
Tags : Horreur, Genre

Eli Roth est de retour sur les écrans : Knock Knock est déjà au cinéma et The Green Inferno se destine au e-cinema. Depuis le temps qu'il n'avait pas tourné et après son apparition remarquée dans Inglourious Basterds, où il était le « bear jew », spécialiste du tabassage de nazi à la batte, on avait oublié que l'homme était d'abord un réalisateur. Cet ancien assistant de David Lynch, présenté par Tarantino en personne comme le « sauveur du cinéma d'horreur », vu comme un messie par les fans du genre depuis Cabin Fever, a pourtant livré un remarquable abécédaire de la torture avec Hostel et surtout Hostel 2, dans lequel les rapports de force entre hommes et femmes s'inversaient. Habituellement dans le cinéma de genre, les femmes sont davantage martyrisées que les hommes : Drew Barrymore dans l'ouverture de Scream, Mia Farrow tourmentée par le Mal dans Rosemary's Baby, Jamie Lee Curtis dans Halloween, la pauvre Chrissy lors de l'introduction des Dents de la mer, etc. Les femmes sont au coeur du travail d'Eli Roth, réalisateur dont le film fondateur est justement Alien, une histoire de femme forte qui s'en sort quand tous les mecs meurent. Chez Eli Roth, souffre-t-on davantage quand on est un homme ?

Seul dans sa grande maison californienne pendant un long week-end, Evan (Keanu Reeves) planche sur ses travaux d'architecte quand deux jeune femmes toquent à la porte : elles ont besoin d'un point d'accès à Internet pour se connecter à leur profil Facebook, afin d'obtenir l'adresse d'une soirée (étrange prétexte, mais le film se veut une réflexion sur les réseaux sociaux, alors...). Les filles ne semblent pas vouloir partir, mais Evan n'est pas inquiet : « Dans le pire des cas, je sais que je suis plus fort que vous ». Ce préjugé va rapidement être mis à mal par des invitées qui vont progressivement dominer le mâle, physiquement et surtout psychologiquement...

La femme insoumise

On a tendance à l'oublier mais la femme n'a pas toujours été qu'une victime de choix dans le cinéma d'horreur. Avant de devenir une proie trop souvent sotte, là pour satisfaire avant tout les fantasmes sadiques des spectateurs hétéros, le personnage féminin fut même à l'origine de l'une des plus fameuses sagas de serial killer, puisque que dans Vendredi 13, premier du nom, réalisé par Sean S. Cunningham, c'est bien Pamela Voorhees qui décimait un camp de vacances et non son fils, Jason. Un élément qu'il serait regrettable d'oublier, comme l'a prouvé Drew Barrymore, éventrée à cause de cela dans Scream... L'interprète de Pamela Voorhees n'est pas dans Knock Knock, mais celle de Death Game, film de 1977 dont est tiré Knock Knock, est bien au casting par contre : il s'agit de Colleen Camp (aussi rattachée à la production du film), séductrice cruelle dans Death Game, donc, et l'une des très rares femmes présentes dans le paysage ultra-viril d'Apocalypse Now, dans lequel elle jouait une playmate envoyée au front pour divertir les soldats.

Visible en France dans la foulée de Knock Knock, The Green Inferno conte l'escapade d'étudiants activistes new-yorkais en Amazonie afin d'empêcher une déforestation. Au retour, leur avion se crashe et une tribu plutôt hostile vient à la rencontre des rescapés. L'héroïne, prénommée Justine (impossible de ne pas penser à Justine ou Les Malheurs de la vertu, de Sade), est une gentille fille sous tous rapports, timide mais qui se démarque, intelligente mais pas trop. C'est avec elle que Roth va mettre à mal la figure de la fille délestée de tout vice, rengaine du cinéma d'épouvante où celle qui survit est régulièrement vierge et immaculée moralement (même si Scream a déjà mis un coup de canif à ce contrat tacite, il y a longtemps). Son séjour dans ce qui va s'avérer être un village de cannibales va davantage lui servir de rite de passage que de lieu de véritable souffrance, tout du moins physique. Pour ce qui est de ses copains mâles en revanche, c'est une autre histoire : aucune femme ne sera sacrifiée, mais les hommes, eux, plus nombreux et plus riches en viande, se feront largement démembrer... Et en plus, il y a de l'amour et du masochisme dans tout ça, puisque le réalisateur confie les rôles féminins principaux de Knock Knock et Green Inferno à son épouse, Lorenza Izzo. Pour faire de son quotidien un vrai film d'horreur en continu, il n'y a pas mieux.

Pas de répit pour le sexe masculin

Eli Roth aime déchiqueter les corps, surtout les corps masculins. Au point d'en faire l’expérience lui même, le crâne broyé par la coque d'un bateau dans Piranha 3D et son fameux bain de sang. Il aime mettre en scène les souffrances du mâle et faire de sa chair un réceptacle privilégié de la douleur. Dans Hostel, le personnage de Paxton (Jay Hernandez) en bave. Relativement passif, il ne fait souvent que constater les horreurs perpétuées au sein de l'entreprise de torture dont il est la victime. Il s'en sort à la fin, et c'est tout naturellement qu'on le retrouve dans l'introduction de l'épisode 2. Choix curieux : Roth décide de l'éliminer, deux fois, dès les premières minutes, d'abord dans un cauchemar (Paxton rêve qu'il a été repris par ses tortionnaires), puis en vrai, quand notre héros se fait bel et bien décapiter dans sa cuisine.

Hostel 2 marque une différence nette par rapport à son prédécesseur. Les victimes ne sont plus des hommes mais des femmes. Retour au vieux schéma conservateur ? Non, car Hostel 2 a pour lui l'évolution du personnage de Beth (Lauren German) qui sert une inversion entre les rôles de dominant et dominé distribués initialement. Elle en vient même à payer pour prendre la place du bourreau et se livrer au sévice ultime : priver un homme de son membre, symbole de sa virilité et de sa supposée supériorité. L'effet est d'autant plus effroyable que, stéréotype oblige, on ne se doutait pas qu'une si jolie jeune femme, si douce en apparence, si réservée, en vienne à commettre une telle horreur. Eli Roth va-t-il pouvoir aller plus loin que cette émasculation très gore ? En lisant le synopsis de son prochain projet, Meg, « l'expédition secrète de deux hommes dans l'océan à la recherche de l'ancêtre du requin Blanc », on se dit que son squale aura bien plus à se mettre sous la dent que celui qui engloutissait la pauvre Chrissie aux débuts des Dents de la mer...

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4 commentaires
  • zephsk
    commentaire modéré @Willou Il est très bien cet article. Mais crois-tu vraiment que Knock Knock "se veut une réflexion sur les réseaux sociaux" ? C'est Roth qui dit ça ? Ça me paraît très secondaire...
    5 octobre 2015 Voir la discussion...
  • Willou
    commentaire modéré Oui, Roth parle de "génération Iphone", il y a l'idée que les quadragénaires sont dépassés par les adolescents sur ce plan. Ils n'ont pas vraiment conscience qu'on peut ruiner une vie avec un tweet ou une vidéo. Après c'est vrai que parler de "réflexion" est un grand mot..
    5 octobre 2015 Voir la discussion...
  • Little_potatoes
    commentaire modéré A cause de toi j'ai envie de voir le film pour me faire une idée maintenant ! :-P
    5 octobre 2015 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré @Willou Ah, c'est dommage, cet aspect me semblait vraiment à la marge. Du coup, ça gâche un peu ma réception.
    5 octobre 2015 Voir la discussion...
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