Human after all

Et si Transformers 3 était en fait un drame sentimental ?

Actualité | Par Julien Di Giacomo | Le 30 juin 2011 à 10h44

Au bout de ce 3ème volet de Transformers, on ne sait toujours pas si les robots rêvent de moutons mécaniques. Michael Bay ne s'est d'ailleurs sans doute jamais posé la question, mais ce n'est pas une raison pour l'imiter.

Femme-objet et ami-robot
La nouvelle ne vous aura certainement pas échappé : Megan Fox a été virée de la franchise Transformers pour cause de point Godwin trop vite atteint. Plutôt que d'auditionner des actrices de talent pour lui trouver une remplaçante, Michael Bay a ouvert un catalogue de lingerie et a choisi le mannequin qui lui plaisait le plus : Rosie Huntington-Whiteley. Et pour être bien sûr qu'on ne se méprenne par sur l'importance de son rôle dans le film, le réalisateur a même judicieusement décidé de nous présenter ses fesses avant même de pointer la caméra sur son visage.

Cette pauvre jeune fille jouant terriblement mal est à peine traitée comme un réel personnage par Michael Bay, qui la réifie honteusement la plupart du temps. Elément amovible du scénario, elle servira surtout à se faire capturer afin que Shia Labeouf ait une occupation valable et que le réalisateur puisse s'offrir un baiser final conforme à la règlementation en vigueur dans la production de blockbusters. L'ironie terriblement cynique et involontairement misogyne qui ressort de Transformers 3, c'est que Michael Bay présente la femme comme un objet et les robots comme des humains.


Le lapin porte-bonheur extrait de Transformers 3 - La Face cachée de la Lune

Shia qui ?
Officiellement, le personnage principal de Transformers est un certain Samuel Witwicky, désincarné par Shia Labeouf. La vérité, néanmoins, est que ce cher Shia est tout aussi remplaçable que Megan Fox? Les spectateurs veulent voir des Camaro se transformer en cyber-warriors, de la tôle froissée, des grosses explosions et des buildings qui s'effondrent, c'est tout. L'identité exacte de l'adolescent qui hurle « Optimuuuuuuuus ! » quand celui-ci se prend une roquette en plein dans les pistons ne les intéresse que moyennement. Les vrais héros du show, ce sont les robots.

Transformers est le récit d'un conflit millénaire entre les gentils Autobots et les méchants Decepticons dont l'acte final se déroule sur notre bonne vieille planète. Dans ce synopsis, qui correspond à chacun des trois films, la Terre n'est qu'un champ de bataille et les humains des spectateurs, tout juste bons à mourir hors-champ ou à prouver leur stupidité et leur arrogance en rejetant aveuglément l'aide des Autobots. En fait, avec chaque nouvel épisode, on sent que les scénaristes rament encore un peu plus pour rattacher leurs personnages humains à la trame narrative et leur donner un rôle dans l'intrigue globale.

Contrairement à Shia Labeouf, Will Smith sait au moins se faire respecter :


Attaque de robots dans un tunnel extrait de I, Robot

Coeur de robot
Tom DeSanto, le producteur du premier film, dit lui-même que « vous avez besoin d'un élément humain pour présenter l'univers du film au public qui n'y est pas déjà familier. » La présence de Shia LaBoeouf est donc surtout un enjeu purement scénaristique visant à faciliter l'identification du spectateur au protagoniste, qui constituera la première étape de son implication dans le film. La seconde, capitale et découlant de celle-ci, proviendra de son attachement aux personnages qui lui seront présentés, tant humains que mécaniques. Witwicky, par son côté "normal", est une porte d'entrée dans un monde inconnu, tandis que les robots, par leur charisme, sont un vecteur d'adhésion. Une fois que vous êtes accro, l'humain ne sert plus à rien.

En effet, si on espère voir gagner les « gentils robots » à la fin des 3 Transformers, ce n'est pas uniquement parce qu'ils ont le sort de la race humaine entre les puces de leurs circuits imprimés, mais aussi parce qu'on s'est attaché à leur personnage, à leur caractère, ou même à leur personnalité... C'est en soi un paradoxe absolu, vu qu'un robot n'est pas censé avoir de personnalité? Confusion fréquente et plus ou moins volontaire entre intelligence artificielle et sentiments. Il en va de même pour les robots de Star Wars ou celui de I, Robot : leur comportement semble être le résultat de plus que de simples calculs mathématiques. Plus que jamais, les robots sont humains au fond d'eux, car sans une part minimale d'humanité, le spectateur ne pourrait pas l'apprécier - ou le détester.


Bataille du début extrait de Star Wars : Episode IV - Un nouvel espoir (La Guerre des étoiles)

L'habit fait-il le moine ?
Si vraiment on veut lui trouver des qualités, on pourra reconnaître à Michael Bay le mérite de ne pas s'embourber dans des pseudo-explications douteuses : il impose à l'écran des robots humanoïdes (avec des yeux, des bras, des jambes), avec un langage typiquement humain (« holy shit ! » dans la bouche d'Optimus Prime, c'est mémorable) et même des attitudes humaines : les Autobots utilisent des haches, des flingues et des fusils à pompe à leur taille au lieu de simplement utiliser leurs membres pour tirer - ce qu'ils faisaient dans les premiers opus. On peut aussi remarquer que les seuls Transformers à ne pas avoir de forme humaine sont des Decepticons (des ennemis), comme si Michael Bay cherchait à nous dire que ce qui ne nous ressemble pas nous veut du mal... Mais c'est une autre histoire.

Dans l'absolu, pour être adopté par le public, moins une machine est humanoïde, et plus elle doit avoir de caractère : R2D2 est le robot le plus capricieux de l'histoire du cinéma, et c'est pour cette raison qu'on l'accepte comme un personnage à part entière. De la même manière, Wall-E n'a pas de jambes et son corps n'a rien d'humain, mais il a les yeux les plus expressifs de tout le cinéma d'animation. Le reste du temps, le procédé le plus simple consiste évidemment à faire jouer les robots par des humains, comme dans Alien, Terminator ou Blade Runner. De cette manière, même les machines les moins sensibles peuvent susciter l'adhésion : c'est bien pour ça que Kyle Reese verse une petite larme lorsque son "copain" Schwarzy se sacrifie à la fin de Terminator 2....

Wall-E, un amour de robot :


C'est beau l'amour extrait de WALL-E

Dieu et la machine
Si Blade Runner est si troublant, si débattu et si génial, c'est parce qu'au lieu de traiter son erreur scientifique (des robots avec une conscience) comme un acquis, il ne cesse de la questionner pour en faire le point central de sa réflexion ; ou comment transcender la science-fiction pour philosopher sur l'essence de l'humain. La route ouverte par Phillip K. Dick et largement popularisée par Ridley Scott sera bien évidemment suivie par A.I., I, Robot et Matrix, dont le concept atteint son paroxysme dans le 3ème volet, lorsque la machine purement mathématique (l'Architecte et son avatar mécanique) et la machine à conscience humaine (Smith) entrent dans un conflit qui sera ironiquement tranché par un humain? Robocop évoquait des pistes intéressantes, sans toutefois réellement les creuser, en plaçant ce conflit entre l'homme et la machine au sein d'une seule et unique conscience ; et c'est Ghost in the Shell qui développera l'idée plus en profondeur, quitte à perdre quelques spectateurs en cours de route.

Evidemment, Transformers est loin d'avoir cette densité et cette puissance : si, en apparence, il peut être rapproché à la fois de ces films sur les rapports humains-machine et de Toy Story, il n'a ni l'intelligence des premiers, ni la magie juvénile du second. Que lui reste-t-il donc ? Des motivations purement économiques, of course : Transformers est un des plus grands sommets jamais atteints dans l'histoire du placement produit et, en enseignant à son public d'enfants et de jeunes adolescents que leurs jouets ont une âme, il pousse plus que jamais au consumérisme et au matérialisme. Bien entendu, on pourra parler des avancées technologiques, de l'usage de la 3D acclamé par James Cameron lui-même et des profits astronomiques que le film ne manquera pas de réaliser, comme ses prédécesseurs, mais cela suffit-il ? Les robots, qui ne connaissent que les chiffres, vous diront qu'un bon film est un film rentable...

À l'ombre des plus grands films de robots Transformers 3 a beau tenter de faire vibrer la corde sensible, il peine à trouver la subtilité de ses illustres prédécesseurs. Même si le film est scénaristiquement douteux, son postulat de base (des robots extra-terrestres ont façonné l'histoire de l'humanité) est de toute manière si invraisemblable et fantaisiste qu'il le met à l'abri de tout reproche concernant ses erreurs scientifiques ; autant fustiger 300 pour son manque de réalisme? Michael Bay a su faire de ses tares une force, et, sur le fond comme sur la forme, la saga Transformers toute entière place la machine au dessus de l'humain. Non seulement les robots se battent entre eux pour sauver ou détruire des hommes qui ont de moins en moins leur mot à dire, mais en plus ils leur volent la vedette en s'accaparant l'attention du public. Humains, trop humains (et même plus qu'humains) les robots de Transformers sont donc des personnages à part entière, sensibles et doués d'émotions... autant qu'on peut l'être, en tous cas, devant la caméra de Michael Bay !

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