Vieillesse, terreur et nostalgie

La représentation du troisième âge au cinéma

Dossier | Par Axel Cadieux | Le 15 juillet 2011 à 11h50

Dossier réalisé dans le cadre de notre partenariat avec l'émission Metropolis, magazine culturel d'Arte. Diffusée chaque samedi à minuit, l'émission traite de l'actualité culturelle : littérature, danse, musique, exposition et bien entendu cinéma ! En complément de certains sujets de l'émission nous vous proposerons régulièrement des dossiers thématiques illustrés de scènes de films.

Au cinéma, le troisième âge a été traité de multiples manières. De Alfred Hitchcock à Etienne Chatilliez, en passant par Shohei Imamura et David Lynch, petit tour d'horizon non exhaustif des diverses représentations de la vieillesse au cinéma.

Les vieux seraient-ils ingrats, voire terrifiants ?

La vieillesse, au cinéma, est souvent source de méchanceté, de harcèlement, voire de terreur. Dans Tatie Danielle, Etienne Chatiliez met par exemple en scène une octogénaire incroyablement acariâtre, qui détruit consciencieusement la vie de sa famille. Entre vols, caprices, agressions mesquines et insultes, tout y passe, et ce petit musée des horreurs constitue même la principale raison d'être du film, qui s'articule autour de ces gags particulièrement noirs. Et étant donné le succès public de Tatie Danielle, nul doute que beaucoup de spectateurs se sont retrouvés dans cette description à la fois caricaturale et frappante d'un âge qui ne rime pas toujours avec sagesse...

Cette figure était d'ailleurs utilisée dès 1960 par Alfred Hitchcock, dans Psychose. Le maître ne filme jamais directement et de manière frontale (et pour cause...) les méfaits d'une vieillesse meurtrière, personnifiée par la mère de Norman Bates, mais s'en sert comme d'un élément de terreur primale. Ce film culte continue aujourd'hui d'être efficace auprès de ceux qui le découvrent, et la musique de Bernard Herrmann alliée à l'élément traumatique d'un troisième âge dégénéré n'y sont certainement pas étrangers.

Cette scène très synthétique a par exemple marqué en profondeur l'histoire du cinéma :


Staircase scene extrait de Psychose

Un âge qui rime avec sagesse et lucidité ?

Si le troisième âge est donc parfois synonyme de méchanceté gratuite voire de terreur, il peut également être l'incarnation de la sagesse, de la patience et de la lucidité. Dans Rois & Reine par exemple, le cinéaste Arnaud Desplechin accorde une place fondamentale au père de son personnage principal. Ce vieux monsieur, fondamentalement triste et digne, incarné par Maurice Garrel (décédé cette année), attend d'être au crépuscule de son existence pour dévoiler à sa fille combien il la hait, combien il la renie, combien il aimerait que ce soit elle qui meure à sa place. Mais à la différence d'Etienne Chatiliez, Desplechin ne filme pas le personnage d'une manière méprisante, comme pour dévoiler son aigreur ; il en fait au contraire le héraut d'une forme de lucidité perdue, de sincérité absolue aujourd'hui galvaudée ou maquillée. Ici, le troisième âge rime avec recul, franchise et dignité.

Ingmar Bergman empruntait d'ailleurs ce chemin dès 1957, avec Les Fraises sauvages, en y ajoutant une forme de poésie bouleversante. Un vieux médecin y fait le bilan d'une vie marquée par les regrets et les mauvais choix, et porte sur son passé un regard sévère mais calme, à la fois triste et empli de douceur. La vieillesse est donc ici un moyen de retracer son parcours avec une lucidité déconcertante, mais aussi et surtout un phare duquel il est possible de ressentir une nostalgie, une émotion infinie vis-à-vis du passage du temps.

Ici, un extrait onirique représentatif de cette angoisse :


Une horloge sans aiguille extrait de Les Fraises sauvages

Le troisième âge, un dernier voyage ?

En parallèle de ces traitements plus ou moins fertiles de la vieillesse au cinéma, certains cinéastes choisissent de représenter le troisième âge comme une trajectoire en tant que telle, un voyage initiatique inversé au terme duquel la vie s'arrête, en toute plénitude et sérénité. A ce titre, La Ballade de Narayama est absolument significatif. Shohei Imamura y met en scène une septuagénaire qui, sentant la mort approcher, doit suivre la coutume de son village et rendre son dernier souffle au sommet de la montagne Narayama, où se rassemblent les âmes des défunts. Le film est une superbe fable qui, sous couvert d'un cheminement vers la mort, crie sans cesse son amour pour la vie.

De la même manière, dans Une Histoire vraie de David Lynch, un vieil homme sentant sa fin approcher décide de parcourir plus de 500km, en tondeuse à gazon, pour rendre visite à son frère auquel il ne parle plus depuis une dizaine d'années. Ici aussi, le transport, le voyage devient une fin en soi, et offre à la fois au spectateur et au personnage principal une nouvelle manière d'appréhender le monde, et la vie, bien qu'à l'orée de cette dernière.

Ici un aperçu du vieil homme paisible, observateur, déjà en marge d'un monde furieux :


Collision avec un cerf extrait de Une histoire vraie

Les représentations du troisième âge au cinéma sont donc multiples et parfois paradoxales, puisqu'elles peuvent au choix générer du dégoût, de la terreur, du respect ou encore une indicible nostalgie. La vieillesse peut également être, aux yeux de certains cinéastes, l'occasion d'une seconde naissance, d'une réouverture au monde à l'aide d'un regard neuf et lucide. Le thème et les enjeux liés au troisième âge sont quoi qu'il en soit fascinants de par leur diversité, et la gigantesque gamme de sentiments qu'ils impliquent.

L'émission Metropolis est diffusée sur arte tous les samedi à minuit et rediffusée le dimanche à 17h45. Vous pouvez par ailleurs retrouver l'émission sur arte +7.

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