Quand internet nous faisait peur

Le cinéma futuriste est-il ringard ?

Dossier | Par Hugues Derolez, David Honnorat | Le 9 février 2011 à 12h22

Petite révolution technique et visuelle dans les années 80, il reste de Tron une image désuète, voire ringarde, incarnée à merveille par l'une des stars de l'Internet mondial : The Tron Guy.

Tron : L'héritage, la dernière super-production des studios Disney, fait le pari osé de resusciter cette licence à l'agonie dans une nouvelle version adulte et moderne. Un projet ambitieux, bien servi par des armées d'architectes et de designers talentueux (sans oublier les orfèvres de la hype qui se sont chargés de la musique), mais qui peut très vite s'avérer vain. Pas facile en effet de développer une esthétique futuriste, qui plus est dans un univers virtuel, sans risquer d'être rapidement rattrapé par le réel.

Le film s'inscrit dans un genre à part entière que nous allons ici tenter de décrire. Quels furent les premiers exemples de ce cinéma futuriste où les ordinateurs règnent en maître et où, surtout, les programmes informatiques se comportent comme vous et moi ? En vingt ans, avec la démocratisation d'Internet, s'est-on réconcilié avec les softwares meurtriers et autres bugs diaboliques ?

Plus encore que la vie extra-terrestre, malgré le coup d'éclat d'E.T., la muse des années 80 était robotique. La chair se mélangeait à la machine, comme dans l'obscur et violent Robocop. Dans Terminator les robots voulaient dominer le monde, ils parvenaient à imiter nos traits, mais échouaient toujours à synthétiser ce qui nous fait toujours triompher : notre humanité. Parfois, les armes d'hier devenaient les sauveurs de demain, comme dans Short Circuit, où le sympathique Johnny Five (le prototype de Wall-E, indubitablement) se rebellait contre ses créateurs, dévoré par la curiosité et la soif de connaissance.

La mécanique est rodée, les circuits informatiques envahissent nos salons et nos chambres à coucher : un nouveau monde s'offre au spectateur. Celui du virtuel, du faux, et donc de l'invraisemblable, popularisé par Matrix ou encore Le cobaye dans les années 90. Mais avant que chaque famille possède un ordinateur de bureau et qu'on entende parler de cet ogre dévorant qu'est internet il fallait trouver un moyen de représenter les possibilités offertes par ce nouvel outil ; ses possibilités mais également ses dérives. Le même John Badham de Short Circuit, au moment où la guerre froide inquiète toujours, propose à l'ancêtre du geek, Matthew Broderick, dans War Games, de prendre possession d'un ordinateur militaire et de faire mumuse avec des têtes nucléaires. L'ordinateur, en être cordial et doué d'une intelligence pas si artificielle que ça, se met fort logiquement à répondre à son visiteur.


L'ordinateur parle extrait de War games

Les ordinateurs pensent, s'expriment et ont même une personnalité. La symbiose parfaite entre homme et programme a lieu dans Tron, en 1982, improbable rencontre entre l'humain et sa création. Au coeur de la machine on ne retrouve pas la paranoïa spatiale des grands films d'extra-terrestres de l'époque comme Invasion Los Angeles. Peut-être parce que l'humain est, dans cette configuration, le colonisateur, celui qui met les pieds dans un territoire nouveau et qui donc y respecter les règles et les coutumes. Et également de par une bienveillance divine de l'homme envers sa création, béat d'admiration face au programme, donc face à son propre génie.

Tron fait partie de cette grande famille des films - jeux vidéos. Certains s'inspirent de cette nouvelle mode qui harasse le quotidien des adolescents des années 80, d'autres adaptent directement leurs histoires naïves et insensées (Mortal Kombat, Wing Commander, Max Payne, un peu plus tard). Toujours est il que ces films constituent la première fenêtre des parents vers le quotidien de leur progéniture à lunettes. Et force est de constater qu'il n'y a pas de quoi les rassurer.


Digitalisation ! extrait de Tron

Depuis les ravages de Matrix, ou encore d'Avalon, sur la psyché collective, que nous reste-t-il, en tant que spectateurs, de notre regard sur le jeu-vidéo et l'univers virtuel ? Il est toujours dangereux, comme nous le dépeint eXistenZ, plein de doutes sur ce qui est réel et ce qui ne l'est plus, comme une sorte de gigantesque prison-rêve où on pourrait voyager d'un niveau à l'autre pour s'affronter ou se cacher. À ce titre Inception doit beaucoup à tous ces prestigieux prédécesseurs.

Dernier avatar de ce second univers, Tron revient et espère démultiplier sa gloire passée. En avance sur son temps, le film original proposait, au risque de paraître ridicule aujourd'hui, d'imaginer ce que l'incursion dans le virtuel pourrait donner demain : rencontre incongrue entre graphisme épuré et logiciels informatiques caractériels. Tron : l'héritage joue une carte différente : en réinvestissant l'esthétique imaginée alors pour la mettre « au goût du jour », le film donne artificiellement raison aux projections des années 80 mais ne fait pas l'effort d'un nouveau futurisme.


Habillage extrait de Tron l'héritage

À partir de ce mercredi vous pourrez donc apprécier en salle le nouveau Tron, vos lunettes 3D vissées sur le nez, prêts à mettre les pieds dans une nouvelle expérience qui mettra vos sens en émois. Au futurisme audacieux du premier s'est substitué, par effet de mode peut-être, un futurisme paradoxalement rétro. En 2011, alors que l'emprise du virtuel sur notre quotidien n'a jamais été aussi forte, Tron : L'héritage est donc un film ringardisé par le présent. Un triste paradoxe pour un film de cinéma, une vraie faute de goût pour un film de science-fiction.

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