Attention : si vous vous en servez, il perd de sa valeur !

Le héros idéal est-il un jouet ?

Dossier | Par Chris Beney | Le 17 juillet 2015 à 11h10

Il ne faut pas quitter prématurément sa séance d'Ant-Man car le meilleur arrive à la fin, quand le héros miniature trouve enfin un adversaire à sa (petite) mesure. La différence entre l’intensité de leur combat vu de près, et ses conséquences dérisoires sur le décor, produit le contraste que le spectateur attendait en vain depuis une bonne heure. Soudain, c'est le super-héros en général, pas seulement Ant-Man, qui semble avoir trouvé la bonne taille, la plus à même de produire de l’effet. Et c’est celle d’un soldat de plomb. 

Tout est jouet d’avance. Depuis que George Lucas a compris en 1977 qu’un bon bestiaire de film pouvait donner lieu à une belle collection et rapporter au moins autant que le film en question, aucune superproduction ne se conçoit sans sa ligne de poupées, de peluches ou de jeux de construction. Ce qui marche dans un sens fonctionne aussi dans l’autre. Les figurines articulées des Maîtres de l’univers ou de G.I. Joe, par exemple, ont donné lieu à des séries animées et des films.

Lego, le film inspiré des jouets inspirés d'autres films

Là où ça devient biscornu, c’est quand le film sert de support à une gamme de Lego, que cette dernière donne lieu à des jeux vidéo (qui sont donc des adaptations des jouets du film, et non pas du film lui-même) et serve aussi à faire un long-métrage, La grande aventure Lego, qui lui-même donne lieu à une nouvelle gamme de Lego, dépareillée elle. C’est génial : au terme du processus, vous achetez une boîte qui contient ce qui ressemble à un fond de coffre à jouet, remplie des restes et des surplus des autres boîtes - un cowboy robot, un galion pirate et son satellite spatial -, mais c’est pas grave, c’est dans le film. C’est d’autant moins grave que vous tenez dans la main ce que vous voyez à l’écran, en taille réelle.

Tripoter une poupée de Jennifer Lawrence en Mystique ou de Ben Affleck en Bruce Wayne, on a beau dire, c’est louche. Woody et Buzz, Emmett ou Ant-Man à l’échelle 1:1, ça l’est moins par contre parce qu’il y a un plaisir à s’identifier à Andy, le gamin de Toy Story, une manière de prolonger le plaisir du film en prenant la place d’un personnage simplement par la grâce du toucher. Pour les yeux, on peut regarder des extraits ; pour les oreilles, écouter la BO : là, du bout du doigt, vous palpez un souvenir du film, voire plus. Organisez un goûter d'anniversaire pour des petiots, disposez tous les jouets Toy Story autour de la table et vous verrez s'ils n'ont pas l'impression d'être avec leurs héros ! Ce n’est même plus un produit dérivé, c’est l’original. Comme si vous aviez pu sortir du Louvre en emportant la Joconde avec vous : vous pouvez sortir de la séance et faire un détour par une boutique pour emporter le héros avec vous.

Sex Toy Story

Tous les héros Marvel existent en jouets. Les jouets inspirés des films Marvel existent même avant les films, comme le démontre chaque année le Comic-Con de San Diego. Comment se fait-il que Marvel n’ait pas décidé d’adapter plus tôt Ant-Man ? Trop occupé à faire péter des villes à coups de marteau stellaire et de gros bonhomme vert ? Aura-t-il fallu le succès de Toy Story 3 et de La grande aventure Lego pour que la firme disneyenne se rende compte du potentiel commercial de son homme fourmi ? Dommage en revanche que le film, lui, ne soit pas sur la même longueur d’onde.

La séquence la plus savoureuse de L’Homme qui rétrécit, autre histoire de miniaturisation, se déroule quand Scott, le héros, est forcé d’habiter une maison de poupée. Il vit comme vous et moi, au milieu de ses meubles minuscules, mais de temps en temps, l’œil gigantesque de sa femme pointe à la fenêtre ou, pire, la patte d’un chat défonce la porte d’entrée. Même principe dans El Amante Manguante, le court-métrage au cœur de Parle avec elle : l’homme miniature devient l’équivalent d’un vibromasseur de poche, que la femme peut ranger dans son sac à main. Et dans L'Attaque de la femme de 50 pieds (et son remake), ce sont tous les êtres humains qui se trouvent soudain réifiés, semblables à des Ken et des Barbie vivants, du fait du gigantisme de l'héroïne. Trop types de toys auquel Ant-Man ne souscrit que trop tardivement, au moment où le héros rejoue une scène typique de western – l’affrontement à mains nues sur le toit d’un train lancé à pleine vitesse – mais que le Far-West est en fait la chambre d’une fillette, et le wagon, celui d’un train électrique. Parfaite adéquation ludique : le héros fait alors la taille d’un jouet, il est au milieu des jouets et il bouge comme si nous étions en train de jouer avec lui. La grande aventure dans une chambre, encore plus forte que l’ouverture de Toy Story 3 – à laquelle on pense un peu en voyant ça – car reproductible telle quelle chez soi. 

Le plastique ? Pas fantastique

Marvel a trop tardé. Economiquement, Ant-Man est une évidence, mais n’est-il pas justement trop dangereusement petit, trop en tous cas pour ne pas rapetisser les autres super-héros à son contact, plutôt que de les rendre encore plus grands ? Peut-être tout d’un coup, quelqu’un à Marvel, a regardé Ant-Man comme Ozymandias et Randy The Ram croisent leurs figurines respectives dans Watchmen et The Wrestler.

Avec condescendance pour le premier, qui ne voit dans son double de plastique qu’une petite chose marketing, un truc de boutique de souvenir qui n’a en rien son aura. Avec tristesse et pitié pour le second, qui garde sa figurine sur le tableau de bord de son van, à la manière d'une médaille de St Christophe, et qui regarde le jeu NES à sa gloire comme si c’était une photo fixant pour l’éternité une grandeur révolue à jamais. Le bout de plastoc à son effigie rappelle à Randy qu’on ne peut être et avoir été. Un memento mori en somme, « souviens-toi que tu vas mourir, toi, l'être humain qui tient aussi dans la main ». Si ça se trouve, quelqu’un à Marvel avait fait une crise existentielle et s’était dit que Ant-Man ne devrait jamais voir le jour en film, sous peine de devenir le memento mori des super-héros, le bidule qui allait leur infliger un coup de petitesse. Gageons qu’il a été viré depuis.

À ne pas rater...
6 commentaires
  • Santal
    commentaire modéré Très intéressant comme article, seulement je ne vois pas vraiment en quoi Ant-man est plus à même d'être un jouet qu'un Iron Man ou je-ne-sais-qui-Man ?
    18 juillet 2015 Voir la discussion...
  • ChrisBeney
    commentaire modéré @CobbChopper Lui, il en a la taille. On peut acheter une figurine d'Ant-Man et se dire qu'on tient le héros entre ses mains, à l'échelle 1:1
    18 juillet 2015 Voir la discussion...
  • Santal
    commentaire modéré @ChrisBeney Il reste tout de même plus petit qu'une fourmi ... Je ne sais pas si beaucoup d'enfants veulent des jouets aussi petits :)
    18 juillet 2015 Voir la discussion...
  • ChrisBeney
    commentaire modéré @CobbChopper Justement, dans la scène du train, il n'est plus si petit. Je crois qu'il y a des problèmes d'échelle parfois... Mais ça n'empêche pas Ant-Man de tenir davantage de la figurine que Iron Man ou les autres.
    18 juillet 2015 Voir la discussion...
  • itachi
    commentaire modéré Tout est jouet d’avance : https://s-media-cach...6087637584a11833.gif
    20 juillet 2015 Voir la discussion...
  • ChrisBeney
    commentaire modéré @itachi J'en étais plutôt fier ^^
    20 juillet 2015 Voir la discussion...
Des choses à dire ? Réagissez en laissant un commentaire...
Les derniers articles
On en parle...
Listes populaires
Télérama © 2007-2024 - Tous droits réservés - web1 
Conditions Générales de Vente et d'Utilisation - Confidentialité - Paramétrer les cookies - FAQ (Foire Aux Questions) - Mentions légales -