Même Amour, gloire et beauté s'y met

Le personnage transgenre fait-il encore évènement ?

Dossier | Par Léa Jourdan | Le 8 septembre 2015 à 15h05

Ce week-end, Eddie Redmayne a fait sensation à la Mostra de Venise. Accompagné de Amber Heard et Matthias Schoenaerts, il a foulé le tapis rouge vénitien pour présenter The Danish Girl, le dernier film de Tom Hooper (Le Discours d'un roi). L’histoire du peintre danois Einar Wegener qui dans, les années 1930, voulu se faire opérer pour devenir une femme ; le récit de l'un des premiers destins transgenres. De l’autre côté de l’Atlantique, About Ray est présenté au Toronto International Film Festival. Le film suit une métamorphose/transition contemporaine, celle d’une adolescente, interprétée par Elle Fanning, qui souhaite devenir un garçon. Les rôles de transgenres se multiplient au cinéma et sur nos petits écrans, de Sense8 à Transparent, en passant par Orange is the New Black et même par Amour, gloire et beauté. C'est à se demander si ce type de personnage fait encore évènement.

La série Transparent sonde le rôle de parent transgenre et scrute les réaction des enfants quant au changement de sexe de leurs père. Sa créatrice, Jill Soloway, a fait les choux gras de la presse à la rentrée dernière, mais elle est loin d’être la première à avoir traité de la transsexualité via le petit écran.

Transidentité et télévision : la transition du personnage transgenre

Depuis un peu plus d'une décennie, la transidentité s’installe dans les séries. On peut même noter une métamorphose du personnage transgenre au fil des années. A la télévision, le personnage transgenre fut remarqué du grand public en 2001 dans Friends, où le père de Chandler se travestissait. Cette première carrière fut comique et courte. L’image fabriquée du transgenre, mi-fantasque, mi-intrigant, a ensuite cantonné le personnage aux rôles de manipulateurs, avant de jouer un rôle de plus en plus important dans les intrigues de nombreuses séries populaires. C'est le cas d'Ava Moore (Famke Janssen) dans Nip/Tuck ou encore d’Alexis Meade dans Ugly Betty

En 2006, The L World, série imaginée par Ilene Chaiken, entame une considérable mutation en jetant un regard nouveau sur ce type de personnage. Ses scénaristes contextualisent socialement la transidentité en s'intéressant aux aspects sociaux et médicaux de la transition. A travers le personnage de Moira/Max Sweeney, Ilene Chaiken détaille le choix d’entamer une procédure de réassignation sexuelle, la phase chirurgicale de la transformation et ses conséquences personnelles. De plus, et pour la première fois, la transformation est female to male et va donc dans le sens de la masculinité, ce qui est rare à l'écran. A la suite de The L Word, tout s'accélère. La transidentité en vient même à nourrir la dramaturgie de toute une série sous la plume de Paul Abbott. Dans Hit and Miss, Chloë Sevigny interprète ainsi une tueuse à gages transgenre qui découvre la parentalité au fil de ses aventures.

Parentalité et transidentité constituent également le thème phare de deux séries récentes : Orange is The New Black et Transparent. Dans la première, Sophia, parent transgenre, tente de renouer avec son jeune fils, qui l'a envoyée derrière les barreaux. Dans la seconde, Morton, 70 ans, chamboule la vie de sa famille en faisant son coming out transgenre. Le trans' devient à la mode. La preuve : le 18 mars 2015, les scénaristes du soap opera Amour, gloire et beauté ont révélé le sexe d'origine du personnage de Maya, né Myron, à la grande surprise de l'actrice qui l'interprète. Et pour aller encore plus loin, Maya s'est unie cet été avec son compagnon Rick Forrester. Du rôle de comique à celui de parent, le transgenre a fait un sacré chemin sur la route de la revendication de ses droits à travers les écrans.

Cinéma politisé : revendicateur de droits

Facilitée par le web, l’affirmation de l'identité sexuelle est devenue l’affaire de tous. Le cinéma s'est lui aussi emparé du sujet pour mieux oeuvrer à une reconnaissance. Avant même de poser la question de la parentalité, Andy et Lana Wachowski semblent réclamer à travers Nomi Marks, un de leurs personnages les plus marquants de Sense8, le simple droit à la différence. Ainsi cette série fait écho à l'impassibilité, voire même à la réticence des sociétés occidentales à donner des droits aux transgenres. La France a beau être le premier pays du monde a avoir franchi le pas, elle a tout de même attendu 2010 - 4 ans après le début de The L World, par exemple - pour que la transexualité ne soit plus considérée comme une maladie mentale, et 2012 pour que les discriminations envers eux soient récriminées. Longtemps marginalisé, le personnage transgenre s'affirme aujourd'hui pour réclamer ses droits à la visibilité, alors qu'en Thaïlande ou dans certains pays d'Amérique Latine, il fait partie intégrante de la culture populaire. 

Fer de lance du mouvement, la très médiatisée Laverne Cox, trans' à l’écran comme à la ville, a apporté un supplément de visibilité à sa communauté, grâce à son rôle dans Orange is The New Black. En plus de son métier d’actrice, Laverne Cox sillone les Etats-Unis pour générer des débats autour de la transidentité et faire évoluer les esprits. Obligée à ses débuts de ne jouer que des rôles de prostituées assassinées dans des séries policières, elle représente aujourd’hui un énorme espoir pour les acteurs transgenres du fait de son aura, comme elle l’expliquait aux intervieweuses de Madmoizelle. Mais si le personnage transgenre a évolué au cinéma, l’acteur transgenre souffre aujourd'hui d'un autre problème à Hollywood.

Quels rôles pour un acteur transgenre ?

On se rappelle de la performance de Felicity Huffman dans Transamerica, Golden Globe de la meilleure actrice pour son interprétation d’un homme souhaitant devenir une femme. Mais au-delà de ce tour de force, une interrogation entoure les rôles transgenres, une réflexion potentiellement aussi polémique que lorsque des acteurs blancs sont choisis pour interpréter des personnes de couleur : qui doit jouer ce type de personnage ? Ce questionnement de surface renvoie à un problème majeur, celui d’une non-réciprocité. Il y a autant d'acteurs cisgenres - ceux dont l’identité de genre est en accord avec leur sexe - que transgenres qui interprètent des personnages transgenres au cinéma, alors que les acteurs transgenres sont cantonnés à des rôles où l'identité sexuelle constitue un sujet de l'histoire, contrairement aux cisgenres. D’ailleurs, Laverne Cox, Harmony Santana et Jamie Clayton, respectivement héroïnes de Orange is The New Black, Eating Out et Sense8, ont-elles eu des opportunités autre que de jouer des transgenres ?

Un espoir subsiste pourtant, du côté du docu-fiction. Que ça soit par la figure de Jaiyah Saelua, première joueuse de football transgenre, interprète de son propre rôle dans Une équipe de rêve, l’histoire vraie de l’équipe des Samoa Américaines, pire équipe de foot du monde, jusqu’aux actrices de Tangerine de Sean Baker, présenté récemment au Festival de Deauville. Les transgenres pourraient bien se faire une place au soleil en passant par le documentaire. N'oublions pas qu'avant d'atteindre la renommée, Laverne Cox et Jamie Clayton étaient toutes deux chroniqueuses d'un programme de relooking sur VH1 au doux nom de TRANSform Me.

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