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Les enfants de Metropolis

Dossier | Par Antoine Bernier | Le 20 octobre 2011 à 18h10

La reprise du Metropolis de Fritz Lang au cinéma, ainsi que l'exposition qui lui est consacrée à La Cinémathèque, donnent l'occasion d'évoquer son ancrage dans le cinéma de science-fiction et son statut de référence indépassable. De nombreux films, tels que Blade Runner, Final Fantasy VII : Advent Children, Brazil, 1984, Le Roi et l'oiseau (de Paul Grimault) ou encore Demolition Man s'inspirent de ses thématiques, de son atmosphère ou de son esthétique.

Dichotomie ville basse / ville haute

Le cinéma de science-fiction est le lieu de la critique sociale et politique par excellence. Dans Metropolis la séparation entre les classes prolétaires et les classes dirigeantes est évoquée visuellement par l'opposition entre ville basse, dans laquelle les ouvriers triment dans les usines, et ville haute, où règnent l'oisiveté, le divertissement et la luxure. Tels les intouchables indiens, les habitants peuvent difficilement s'extirper de leur rang social. La perméabilité entre les castes n'existe pas et chacun doit s'atteler à sa tâche pour le bon fonctionnement de la société. Le film dévoile donc un système où les prolétaires, tels des moutons de Panurge, ne sont plus considérés comme des humains mais comme des variables productives qui s'éreintent au travail en obéissant aveuglément aux ordres de la classe dirigeante, comme dans la fourmilière humaine que nous dépeint George Lucas dans THX 1138. Pire encore, dans 1984, les prolétaires sont considérés comme des animaux. Dans l'adaptation manga de Metropolis par Osamu Tezuka, scénarisée par Katsuhiro Ôtomo et animée par Rintaro, les prolétaires sont assimilés avec subtilité à des robots, soulignant ainsi la similitude entre le travail répétitif des ouvriers et l'entêtement de la machine.

D'autres films de S-F reprennent ce concept très schématique de la ville haute et de la ville basse. Par exemple, dans Demolition Man, la résistance doit se cacher sous terre et espionner avec des périscopes ce qui se passe dans les secteurs supérieurs. De même que dans Blade Runner, Judge Dredd (de Danny Cannon) et Le Cinquième élément, les structures urbaines sont organisées verticalement. Cette dichotomie entre ville basse et ville haute s'étend également aux jeux vidéo, particulièrement dans Final Fantasy VII (et dans son adaptation / suite cinématographique) avec la ville de Midgard.


Le mal est de retour extrait de Demolition Man

Plus récemment, c'est à la ségrégation raciale que le cinéma de science-fiction s'est particulièrement intéressé. Les fils de l'homme (d'Alfonso Cuarón) dévoile une société futuriste, qui n'oppose plus les patrons aux ouvriers mais qui marque, encore une fois, le mépris d'un groupe pour un autre. En l'occurrence l'opposition entre les immigrés, dont les droits sont extrêmement limités, et les natifs. Dans Bienvenue à Gattaca, cette fois-ci, le cinéma prend parti et critique ouvertement l'eugénisme positif. Sous des formes bien différentes, ces exemples illustrent à la fois l'impossibilité chronique pour un individu de s'élever des premières strates de la société et le mépris dont il est continuellement la victime.


Identité nationale extrait de Les Fils de l'homme

Dystopie et satire cinglante

Les films de science-fiction s'essaient parfois à la dystopie, imaginant des sociétés futuristes pour mieux mettre en exergue les défauts de notre mode de vie présent. Dans Blade Runner, Harrison Ford évolue dans une ville insalubre baignant dans une atmosphère pesante. Il en est de même dans Ghost in The Shell de Mamoru Oshii et Akira, où Tokyo est une ville dévastée, terrassée par l'énergie atomique qu'elle essaya de maîtriser. En somme, tous ces films ont en commun une vision du devenir de l'être humain très négative directement influencée par l'hypothèse d'une dégénérescence ou d'une intensification des conflits actuels d'ordre militaires, sociaux, ou écologiques.


Séquence d'ouverture extrait de Blade Runner

La science-fiction est un des meilleurs terrains pour s'exercer à la satire politique. Celle-ci peut prendre différentes formes. Généralement, elle s'assimile à une dimension rédemptrice, et donc religieuse. Un groupe d'hommes, voire un seul homme, dirige d'un main de fer une société phalanstérienne dans laquelle toute possibilité de concurrence et de libre pensée sont éradiquées.

Dans Metropolis, les habitants des hauts-quartiers suivent, telle une foule aliénée, les directives de Johann « Joh » Fredersen, le dirigeant de la mégalopole, et se repaissent des bienfaits de la collaboration des classes, sans avoir conscience des maux qui se répercutent sur la classe inférieure. En d'autres mondes, les pères spirituels plus radicaux vont, en plus d'un discours politisé et aliénant, s'attaquer de front au problème humain et particulièrement aux émotions. Par exemple, dans Equilibrium (Kurt Wimmer), les hommes se voient forcés de prendre une pilule qui entrave leurs sentiments, négatifs ou positifs, principaux responsables des maux de l'humanité. Dans 1984, librement inspiré de l'oeuvre de George Orwell, Big Brother instaure la novlangue, structurellement limitée en mots, destinée à entraver tout mode de pensée et d'énonciation de celle-ci. La limitation de la pensée devient alors la prison de l'humanité.

En plus d'être spirituel, l'enfermement prend parfois une forme physique avec la notion de « cité prison », comme on peut l'observer dans Metropolis. Les prolétaires, en plus de ne pas pouvoir accéder à un niveau social plus décent, vivent enfermés dans les ghettos de la ville basse. De même que dans L'Age de Cristal ou The Island les protagonistes sont persuadés que les limites du monde se trouvent aux portes de leur demeure.

Les Robots rêvent-ils de moutons électriques ?

Avant sa mutation en Maria par le savant Rotwang, le robot de Metropolis ressemble comme deux gouttes d'eau à C-3PO, l'acolyte de R2D2 dans La Guerre des étoiles. Après sa transformation, le robot devient une copie conforme de Maria, au point que Freder Fredersen et les autres membres de la révolte se laissent berner.


Création de l'androïde extrait de Metropolis

Cette similarité, qui laisse planer le doute sur la réelle différence entre robot et humain, a fait l'objet de nombreuses transpositions cinématographiques, comme Terminator ou Planète Hurlante, et s'intensifie dès lors que les robots commencent à avoir des sentiments, oubliant parfois même leur véritable nature. Rachel, la Nexus 6 de Blade Runner, Tima, dans Metropolis de Rintaro, ou encore l'enfant de A.I ne se considèrent non pas comme des machines, mais comme des êtres humains. La frénésie technique et démiurgique atteint alors son plus mélancolique paroxysme.

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1 commentaire
  • mansier
    commentaire modéré La scène d'ouverture de The artist est aussi clairement une référence à la fin de la scène de la création de l'androïde.
    21 octobre 2011 Voir la discussion...
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