Le témoignage bouleversant d'Adèle Haenel, victime de harcèlement sexuel à douze ans

5 novembre 2019
Le témoignage bouleversant d'Adèle Haenel, victime de harcèlement sexuel à douze ans

Ça aurait pu être un conte de fée, c'est devenu un cauchemar. Vingt ans plus tard, Adèle Haenel, au prix d'un courage qui force l'admiration, témoigne sur Mediapart : elle y affirme avoir été harcelée et agressée sexuellement lors de son premier tournage, alors qu'elle avait tout juste douze ans. La fin de l'omerta au sein de la grande famille du cinéma français ?

2001. Adèle Haenel, qui n'est encore qu'une enfant, réalise son rêve, qui sera aussi sa vie : jouer la comédie. Un casting sauvage et la future actrice est immédiatement engagée pour jouer dans Les Diables (2002), longue fugue de deux orphelins poussés sur les chemins de traverse. Mais le rêve est de courte durée. Christophe Ruggia, le réalisateur, se serait révélé bien plus qu'un directeur d'acteur. Arguant de la nécessité de la protéger, il l'aurait isolée chaque jour davantage. L'entourage, l'équipe technique se seraient inquiétés, mais auraient préféré accorder le bénéfice du doute au cinéaste. Le drame, c'est qu'il aurait été en fait “amoureux” de la jeune fille, de vingt-quatre ans sa cadette. Il lui aurait écrit des lettres sur ce sentiment “si lourd à porter”. Suivent, selon le témoignage d'Adèle Haenel, un harcèlement et des attouchements répétés au domicile-même du metteur en scène. Adèle n'est encore qu'une collégienne et malgré ses refus, l'emprise se serait installée, des années durant. Ne voyant aucune issue, la comédienne aurait décidé d'arrêter le cinéma en même temps que cette relation toxique, plutôt que de commettre l'“irréparable”.

Grâce à de bonnes rencontres (au premier rang desquelles Céline Sciamma, qui sera sa compagne) Adèle Haenel s'est reconstruite, mais la chose la hantait encore aujourd'hui. Un documentaire actant la nécessité de libérer la parole, Leaving Neverland (sur les victimes supposées de Michael Jackson, 2019), a forcé sa décision. Marine Turchi de Mediapart enquête alors pendant sept mois, recueille des dizaines de témoignages (dont le sien) et compulse l'ensemble dans un article de vingt-sept pages implacables, qui tordent le ventre et laissent peu de place au doute. Dans la foulée, la Société des Réalisateurs de Film (SRF) n'a pas tergiversé et décidé de lancer une procédure à l'encontre de Christophe Ruggia, pouvant aller jusqu’à l'exclusion. On se prend alors à espérer à la fin de l'omerta dans le cinéma français...

Ci-dessous, la vidéo bouleversante dans laquelle Adèle Haenel explique son geste et la journaliste Marine Turchi les conditions de l'enquête, suivi d'un éclairage passionnant d'Iris Brey sur ces questions qui pourrissent le cinéma : 

Et pour en savoir plus, Guillemette Odicino de Télérama revient sur l'affaire, se demandant si les accusations de l'actrice vont enfin briser le silence dans le cinéma français.

 

101 commentaires
  • Sleeper
    commentaire modéré @zephsk du moment que le cinoche des manifestants ne prend pas le dessus sur celui des cinéastes
    26 novembre 2019 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré @Sleeper Ça, ça appartient au cinéma, aux cinéastes, aux "manifestants" et aux victimes, à l'industrie et à la société. Ici, on ne fait que rendre compte d'un événement qui marque au fer rouge la société autant que le cinéma ; on encourage ceux qui voudraient que ça change à témoigner.
    Pour ma part et de façon un peu périphérique, je n'opère aucune distinction entre l'homme, l'artiste et l'oeuvre (de la même façon que je ne distingue pas la foudre de son éclat). De cette façon il n'y a pas pour moi d'un côté le cinéma des cinéastes et celui des manifestants, c'est un. Mais chacun est libre de penser le contraire
    26 novembre 2019 Voir la discussion...
  • Sleeper
    commentaire modéré @zephsk les limites de ce raisonnement c'est que (mis à part le dossier de presse de son dernier film) son œuvre ne fait pas l'apologie de ce qu'on lui reproche personnellement
    26 novembre 2019 Voir la discussion...
  • Cataclysme
    commentaire modéré 17 ans plus tard...
    26 novembre 2019 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré @Sleeper Permets-moi de ne pas être tout à fait d'accord sur l'oeuvre. :)
    26 novembre 2019 Voir la discussion...
  • Sleeper
    commentaire modéré @zephsk moi même je ne suis pas tout à fait d'accord sur ma remarque : que dirait on par exemple si Polanski était le réalisateur de La Petite à la place de Louis Malle ou de la Femme enfant à la place de Raphaëlle Billetdoux ? ^^
    26 novembre 2019 Voir la discussion...
  • zephsk
    commentaire modéré @Sleeper Tu oublies "Le Souffle au cœur" de Malle, qui est quand même bien plus éloquent. Non il faut affiner cette réflexion : ça n'est pas parce le fantasme du viol (ou son image symbolique) se retrouve dans le cinéma de Polanski, que tout son contraire, ou au moins tout ce qu'on peut mobiliser pour combattre cette pulsion, ne s'y trouve pas aussi.
    27 novembre 2019 Voir la discussion...
  • Woodystwood
    commentaire modéré Voilà, ce qui devait arriver arriva : à force de nier en bloc, il a énervé Adèle :-p https://www.lemonde....ia_6020604_3224.html
    28 novembre 2019 Voir la discussion...
  • Woodystwood
    commentaire modéré Tiens, je n'avais pas vu cette tribune intéressante publiée sur notre Sainte Maison Mère :-p Pour ceux qui seraient aussi distraits que moi https://www.telerama...-lenoir,n6539980.php
    28 novembre 2019 Voir la discussion...
  • Woodystwood
    commentaire modéré Pour information, Polanski ne s'est jamais comparé à Dreyfus, contrairement à ce que certains ont affirmé dans cette conversation. C'est une interprétation abusive de propos tirés de leur contexte. Cela n'excuse en rien les actes criminels dont il est accusé.
    31 décembre 2019 Voir la discussion...
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