Mecs perdus, cheveux gras

Le grunge au cinéma

Music Box | Par Julien Di Giacomo | Le 13 octobre 2011 à 16h50

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On entend souvent des nostalgiques, jeunes ou vieux, fantasmer les années 50, 60, 70 ou même 80, mais personne ne semble regretter les années 90, trop récentes, pas assez exotiques. "C'était mieux avant", dit-on, mais les nineties sont encore trop jeunes pour être considérées meilleures que les décennies les précédant. Pourtant, cette période, qu'on considère généralement comme culturellement représentative de la Génération X, est terriblement intéressante, et son potentiel de fascination est proportionnel à l'indifférence qu'elle suscite habituellement.

"Génération X" est un terme qui parvient à être à la fois incroyablement flou et pourtant plein de sens ; personne n'est parvenu à en délimiter les limites exactes ni sur l'autel de quoi au juste elle s'est sentie sacrifiée, mais une chose est sûre : les gosses des baby-boomers souffrent, se font chier, et dorment sans rêver. Ils sont reconnus comme les pères du cinéma américain indépendant sous la forme où on le connaît aujourd'hui, et leur genre musical attitré est le grunge (littéralement, "crasse"), un genre dont les délimitations, caractéristiques et qualifications sont régulièrement le sujet de débats houleux et intolérants.

Qu'est-ce que le grunge alors ? Une idée, un concept, la bande-son d'une époque et d'un contexte bien précis, l'illustration sonore de divers états d'esprits qui ont pour point commun une conscience plus ou moins aiguë du caractère vain de l'existence, et qui la manifestent par le désespoir, la colère ou la lassitude au gré des sensibilités individuelles. C'est la musique de fond des déboires sentimentaux de Dante Hicks et du jmenfoutisme de son pote Randal dans Clerks, mais aussi le désoeuvrement et la quête d'un idéal mal défini des personnages de Génération 90 et de Singles. L'essence du son rock alternatif des années 90, quel que soit son étiquette, a également pu être capté dans les docs oubliés 1991: The Year Punk Broke et Hype!.

Sans plus tarder, on envoie le gros son avec une playlist Spotify dédiée au grunge et à ses satellites?

Dans Génération 90

1. Dinosaur Jr - Turnip Farm
L'auteur-chanteur-compositeur-guitariste-fondateur-leader-producteur J Mascis est un des grands oubliés de l'histoire du rock, alors même que son grain de voix et la spécificité de son style semblaient destinés à lui offrir une place dans les mémoires. Avec son groupe Dinosaur Jr, dont il est fréquemment le seul membre, il parvient à forger un son à la fois unique et très en phase avec son époque. Le son de sa lead guitare, immédiatement reconnaissable, semble capable de définir à lui tout seul l'atmosphère brumeuse et l'odeur de cendre froide qui flotte sur les after-parties des jeunes désoeuvrés de la génération X.

Dans 1991: The Year Punk Broke

2. Sonic Youth - Mote
Même si on ne rattache pas communément Sonic Youth au mouvement grunge, l'en écarter catégoriquement serait une grave erreur de compréhension, tant la présence tutélaire du groupe semble planer au-dessus des acteurs de la scène musicale de Seattle, avec lesquels il partage son rejet du culte des paillettes et du son lissé caractéristique du rock FM des années 80. En maltraitant leurs instruments pour en tirer des sonorités inédites et en considérant le larsen comme une forme potentielle de mélodie, les membres de Sonic Youth ouvraient la porte au déferlement de furie dans lequel s'engouffreraient leurs suiveurs en tentât de les imiter. The Year Punk Broke est consacré à leur tournée européenne de 1991, et on peut également y voir apparaître Dinosaur Jr, Gumball ou... Nirvana.

3. Nirvana - Negative Creep
Impossible d'éviter Nirvana dans une playlist sur le grunge. Pour le meilleur et pour le pire, le succès phénoménal de Nervermind en 1991 a lié à tout jamais le nom du groupe au genre dans son ensemble, en faisant bien souvent à tort le leader ou le représentant le plus fidèle. La vérité est néanmoins tout autre, puisque Kurt Cobain lui-même considérait plus Nevermind comme un disque de pop qu'autre chose, et qu'il constituait pour lui une tentative de démolir l'industrie musicale de l'intérieur, en attirant l'attention du public sur la scène de Seattle, quitte à devoir faire des compromissions artistiques pour parvenir à ses fins. Si Nevermind est l'album le plus célèbre du groupe, les fans de grunge lui préfèrent généralement In Utero (son successeur, au son plus rude) ou Bleach, sorti 2 ans plus tôt, dont est extrait Negative Creep.

Dans le doc, on trouve cette version live du morceau, avec une belle montée dans les aigus de Kurt Cobain sur le premier couplet :


Nirvana - Negative Creep extrait de 1991: The Year Punk Broke

Dans Singles

4. Pearl Jam - Breath
Bien connu du grand public pour être un des seuls groupes de grunge à être parvenu à survivre aux années 90 et à passer efficacement dans le mainstream, Pearl Jam suscitent autant l'adhésion du public rock moyen qu'il peuvent susciter le dédain des élitistes les taxant de compromission. C'est donc non sans une certaine logique qu'ils apparaissent sur la BO de Singles, portrait de la Génération X fréquemment considéré comme opportuniste et surfant délibérément sur le succès de la vague grunge. Pearl Jam avait fait une fleur à Cameron Crowe en lui offrant Breath, puisque le morceau est un inédit ne figurant que sur la BO de Singles (une autre version, intitulée Breath and a Scream, verra plus tard le jour sur les rééditions de l'album Ten).

5. Soundgarden - Birth Ritual
Aux côtés de Nirvana, Pearl Jam et Alice in Chains, Soundgarden est un des membres du club très privé des big four de Seattle, et en conséquence un des groupes dont le nom vient le plus facilement en tête lorsqu'on parle de grunge, à tort ou à raison. Tout comme Pearl Jam avec Breath, le groupe offre avec Birth Ritual un inédit à Cameron Crowe. Le chanteur de Soundgarden, Chris Cornell (plus tard membre de Soundgarden puis interprète d'un des rares génériques masculins de James Bond) a d'ailleurs un petit rôle dans le film, dans une scène précédant son interprétation live du titre.

6. Screaming Trees - Nearly Lost You
Le manque de succès des Screaming Trees a toujours été un grand mystère pour leurs quelques fans, qui, eux, connaissent bien la qualité de leurs compositions et, surtout, les innombrables mérites de Mark Lanegan, leur charismatique leader. En parallèle de son groupe, celui-ci entame rapidement une autre carrière, faite d'albums solos et de multiples collaborations, avec Greg Dulli (des Afghan Whigs, autre groupe méconnu de la scène grunge), Isobell Campbell (de Belle and Sebastian), les Queens of the Stone Age ou le groupe d'electro chrétien Soulsavers (dont on entend un morceau à la fin de la BA de Machine Gun Preacher). Un projet d'album en duo avec Kurt Cobain aurait pu sauver Lanegan de l'ombre où il vit désormais, mais hélas, un tragique début d'avril 1994 tua cette collaboration dans l'oeuf. Vous n'avez sûrement jamais entendu Nearly Lost You, mais sa présence sur la BO de Singles en fait le plus gros succès public du groupe. Tragique.

Dans Clerks

7. Alice in Chains - Got me Wrong
Une anecdote bien connue autour de Clerks veut que l'achat des droits d'utilisation des titres de sa BO ait coûté plus cher que sa réalisation à proprement parler, ce qui est d'autant plus frappant que la BO en question ne comporte pas de tubes ou de grands classiques ultra-onéreux. On y trouve en revanche ce Got Me Wrong, assez peu représentatif du reste de la production d'Alice in Chains à l'époque, bien plus sombre et torturée. Dans le film, le morceau accompagne la première scène du personnage de Randall, auquel le rythme de la guitare acoustique et le yeah-yeah déjà las en ouverture semble correspondre.


Tous le monde aime Randal extrait de Clerks, les employés modèles

8. The Jesus Lizard - Panic in Cicero
A peu près n'importe quel album de Jesus Lizard pourrait servir de BO à l'Apocalypse (avec un a majuscule, celle du Jugement Dernier) : leur son est bordélique, fait de hurlements, de mélodies distordues et de larsens. La BO de Clerks tout entière est un grand moment, mais Panic in Cicero est en tout cas un de ses grands points culminants. C'est underground, braillard, un peu vain, et ça colle parfaitement à l'explosion de violence représentée dans la scène sur laquelle Kevin Smith a choisi de coller le morceau.

Dans Hype!

9 et 10. Green River - Swallow My Pride / Mudhoney - Touch Me I'm Sick
Présenté à Sundance en 1996, Hype! est l'idéal complément de The Year Punk Broke puisque, là où ce dernier se centrait sur une tournée des Sonic Youth et était réalisé en plein coeur de la déferlante grunge, celui-ci est tourné avec un (petit) peu de recul et tente de revenir aux origines du genre musical, tout en analysant son traitement médiatique. Il est également l'occasion de découvrir la personnalité de Mark Arm, grande figure obscure du grunge, auquel on attribue parfois la création du terme. Avec son premier groupe Green River, Arm est dès 1985 un précurseur du mouvement, avant d'en devenir une valeur sûre avec Mudhoney à partir de 1988 et jusqu'à aujourd'hui. Avec le temps, il est également devenu le dirigeant du label Sub Pop, chez lequel étaient signé la majeure partie des groupes de grunge au début des années 90.

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